Patrice Cahart publie « La Peste éolienne », un livre à charge contre les éoliennes et le gouvernement, qui à ses yeux les soutient en dépit du bon sens.
Le Point – Par Michel Revol Publié le 08/05/2021
Patrice Cahart a fait toute sa carrière dans la haute administration, plus précisément à Bercy, où il était inspecteur général des Finances. Parcourant lors de ses moments libres les campagnes de France, il s’est heurté, abstraitement, aux éoliennes qui piquettent un peu partout les paysages. À la retraite, Patrice Cahart s’est attelé à l’écriture d’un livre incisif mais pédagogique et étayé, dont le titre annonce la couleur : La Peste éolienne (Hugo Publishing) est une attaque sévère contre les mâts géants que le gouvernement plante un peu partout. « Une de mes principales fonctions était de traquer partout le gaspillage de l’argent public, explique Patrice Cahart. Avec les éoliennes, je reste dans la tradition et le sillon de l’inspection des finances ! »
Le Point : Encore un livre qui dénonce les éoliennes ! Pourquoi un ancien inspecteur des finances s’intéresse-t-il à son tour à ce sujet ?
Patrice Cahart : Je suis Parisien par ma profession, mais aussi un homme de la campagne, en particulier du Perche. Je suis très attaché aux paysages, et je suis vice-président d’une association, La demeure historique, qui lutte contre les atteintes aux demeures et aux paysages. Or, ces derniers sont très abîmés par les éoliennes. Le Perche est à peu près épargné, mais ça cogne de plus en plus ! Au début de mon livre, je cite le cas d’un homme d’affaires retranché dans le canton de Zoug, en Suisse, l’un des endroits les plus secrets au monde. Personne ne le connaît, mais il est en train d’implanter des éoliennes à 10 kilomètres de chez moi !
Le titre de votre livre est très agressif. Est-ce qu’il ne risque pas de desservir votre propos ?
Je m’intéresse à l’éolien depuis une dizaine d’années. Depuis ce temps, j’apporte des chiffres et des raisonnements, j’écris des articles. L’effet sur les responsables politiques est quasi nul. Vient donc un moment où il faut élever la voix. D’ailleurs, d’après mon analyse, la poursuite de l’expansion éolienne, en France, ne comporte aucun avantage. Elle n’a que des inconvénients. Je n’ai donc pas de raison de ménager ses auteurs.
En quoi est-ce un problème politique ?
Le sujet des éoliennes est appréhendé selon ce seul point de vue. On n’y intègre aucune considération économique ni environnementale. Regardez Emmanuel Macron. Au fond de lui, je doute fort qu’il soit pro-éoliennes. N’a-t-il pas refusé l’implantation d’un parc éolien au large du Touquet (où son épouse possède une maison de vacances, NDLR) ? Le chef de l’État a aussi prononcé un discours à Pau, au début de l’année dernière, où il a reconnu que les éoliennes sont mal acceptées en France. Deux mois après cette déclaration, le gouvernement annonce une hausse massive du nombre d’éoliennes aussi bien à terre qu’en mer. On est en pleine contradiction ! Notre président a peur d’être incendié par les Verts s’il retire son soutien aux projets éoliens. Les écologistes crient très fort, si on abandonne ces projets ils vont crier encore plus fort ! Mais voilà, ils sont influents, ils peuvent chambouler le paysage politique.
L’éolien ne sert à rien, selon vous. N’est-ce pas un peu exagéré ?
On nous dit qu’il sert à faire baisser nos émissions de CO2, mais on ne peut guère les baisser plus en France. Nos sources d’énergie sont le nucléaire, l’hydroélectricité, le charbon et le fuel, ces deux dernières étant condamnées. Reste le gaz naturel, qui en année normale représente environ 5 % de l’alimentation électrique du pays. Le problème, avec l’éolien mais aussi avec le solaire, c’est qu’on est obligé d’avoir un minimum d’énergie de complément pour pallier leur intermittence. Je rappelle que les éoliennes ne délivrent que 24 % de leur puissance en moyenne dans une année. Si on poursuit l’essor des éoliennes, comme le gouvernement le veut, il faudra de plus en plus d’énergie de complément, et la seule qu’on peut développer en France s’appelle le gaz naturel. Or c’est une énergie fossile (elle émet deux fois moins de CO2 que le charbon, mais quarante fois plus que le nucléaire, NDLR), importée de façon croissante de Russie, ce qui pose des problèmes de dépendance. En résumé, l’éolien a besoin d’énergie fossile pour se développer. C’est une énergie nocive.
« Renouvelable ne veut pas dire propre »
Patrice Cahart
Vous évoquez beaucoup les coûts, exagérés selon vous, qu’engendre cette énergie ?
L’éolien a un effet pervers. Les besoins financiers sont énormes. J’ai évalué dans mon livre les sommes nécessaires à son développement programmé à 145 milliards d’euros de 2020 à 2035, en incluant le photovoltaïque. Les investisseurs se précipitent, parce que l’État leur garantit, pendant vingt ans, une recette à peu près égale au double de ce que leur courant vaudra sur les marchés de l’électricité. Aucun autre secteur de l’économie ne bénéficie d’un tel avantage. Le problème de ce système, c’est que les sommes investies pourraient être plus utiles au climat ailleurs, comme dans l’isolation des bâtiments ou les véhicules électriques. J’ajoute les masses d’argent qu’il faut investir pour aménager des routes à chaque nouveau projet, l’achat à l’étranger des engins, les réseaux de lignes à édifier, etc.
L’un des principaux problèmes de l’éolien est son intermittence.
Elle pourrait toutefois être palliée par un stockage efficace de l’électricité. Vous ne faites pas confiance aux chercheurs pour mettre au point un tel procédé dans les prochaines années ?
Aujourd’hui, aucun système de stockage à grande échelle et fiable n’existe. Par exemple, si on transforme les excédents d’électricité éolienne en hydrogène pour les rendre ensuite au réseau électrique, on perd au passage 70 % de l’énergie : c’est prohibitif. Il y aura sans doute des progrès, mais il faudra du temps. Or la durée de vie d’une éolienne est de vingt ans. Les engins qu’on installe aujourd’hui seront donc périmés avant qu’on trouve un procédé de stockage correct. Au lieu de se précipiter en implantant autant d’éoliennes, il faudrait plutôt patienter. Mon souhait est d’arrêter les projets éoliens et de revoir l’affaire dans quinze ou vingt ans. D’ici là, les réacteurs en place pourront fournir sans problème.
Les nuisances, surtout sonores, sont évidemment un des aspects négatifs que vous soulevez.
Il existe pourtant tout un tas de normes visant à les limiter.
Je suis allé dans plusieurs maisons situées à 500 mètres d’éoliennes, qui est la distance minimale imposée, et je vous assure que c’est affreux. Cette distance est trop courte. En Bavière et en Pologne, on prend la hauteur totale de l’engin, pales comprises, et on multiplie ce chiffre par 10. Avec une éolienne de 180 mètres, on obtient donc presque deux kilomètres de distance minimale entre une éolienne et les premières habitations. Les gouvernements précédents ont refusé cette solution pour la France. Peut-être pourrait-on s’entendre sur une solution médiane, à savoir la hauteur multipliée par 7 ?
Je pense qu’il faut aussi imposer la procédure d’appel d’offres pour tous les projets.C’est le gage d’une saine concurrence, qui ferait baisser les prix, et permettrait à l’autorité publique de déterminer les emplacements pour les éoliennes, alors que ce sont les promoteurs qui les choisissent. Aujourd’hui, il n’y a pas de procédure d’appel d’offres pour les projets comprenant moins de sept éoliennes, au motif que ces petits opérateurs n’auraient pas les moyens d’y répondre. C’est une rigolade : ils sont tous filiales de grands groupes ! En l’absence de procédure encadrée, ces opérateurs vont donc voir les préfets pour obtenir un permis d’implanter un parc éolien, et le préfet signe toujours !
L’éolien en mer n’est pas non plus une solution à vos yeux ?
Ce n’est guère mieux. La côte française ne dispose pas de fonds de faible profondeur, ce qui entraîne des coûts élevés pour implanter des éoliennes. Les fonds sont d’environ 30 mètres en France, contre 5 au Royaume-Uni et au Danemark, les champions de l’éolien off-shore. En moyenne, les éoliennes en mer produisent donc une électricité en France à un prix deux fois supérieur à celui des éoliennes terrestres, qui est lui-même deux fois supérieur au prix du marché ! Et je ne parle pas des inconvénients des parcs éolien off-shore pour les marins-pêcheurs, le tourisme ou les fonds sous-marins. Ce que je viens de dire concerne les éoliennes fixées au fond. Peut-être les performances des éoliennes flottantes seront-elles meilleures, mais nous n’avons pas encore de retour d’expérience.
Le renouvelable n’est donc pas propre, écrivez-vous…
Les deux notions ne sont pas équivalentes. Le nucléaire est propre si l’on considère les émissions très faibles de CO2, mais il n’est pas encore renouvelable (il pourra l’être si on met au point les supergénérateurs). L’éolien a besoin d’un complément d’énergie, qui ne peut être que le gaz naturel. Or ce gaz n’est ni propre ni renouvelable. L’éolien qui lui est lié est donc une fausse énergie propre, une fausse énergie renouvelable. On trompe le bon peuple avec des termes illusoires.
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