Des éleveurs otage des promoteurs

Dans son rapport d’orientation d’octobre 2020, la Fédération Nationale des Syndicats Agricoles (FNSEA) souligne le besoin d’externalité positive pour compléter le revenu des agriculteurs. Qu’est ce qu’une externalité positive ? Il s’agit de rémunérer les agriculteurs à travers des Contrats de Prestations de Services Environnementaux, afin de le rétribuer pour la fourniture de services, tel que l’entretien du paysage, la fourniture de chaleur ou d’électricité par la biomasse. 

Vaches sous éoliennes
Vaches sous éoliennes

Vers des agriculteurs énergiculteurs ?

« Les agriculteurs, en plus de produire des denrées alimentaires, peuvent se diversifier en devenant également énergéticulteurs. Nous changeons de logique pour aller vers des projets agricoles territoriaux qui ont tendance à coûter plus cher au démarrage mais qui comptent nombres d’externalités positives : dynamique des territoires ruraux, création d’emplois, autonomie énergétique des territoires et résilience des exploitations agricoles. Cela suppose d’assumer qu’au-delà de la mission essentielle d’alimentation, les agriculteurs puissent disposer de revenus complémentaires, moins sensibles aux prix des marchés internationaux par une valorisation énergétique locale »

« Faire du défit climatique un opportunité pour l’agriculture », rapport d’orientation 2020, FNSEA, octobre 2020

L’orientation de la FNSEA est pour le moins ambiguë car elle n’exclue pas la rétribution d’agriculteurs qui auraient des éoliennes et fourniraient de l’électricité. Les avis des agriculteurs céréaliers en plaine sont aussi très différents des éleveurs laitiers qui découvrent les nuisances des parcs éoliens sur leur troupeaux.

Le cas de la ferme de Didier Potiron à Nozay est emblématique.

En 2009, une compagnie allemande propose à des agriculteurs de Nozay la mise en service d’éoliennes sur les terres qu’ils exploitent, moyennant l’espérance d’un revenu annuel de quelques milliers d’euros. Ils acceptent donc la construction des éoliennes, dont la plus proche se situe à 600 mètres des premiers bâtiments. Rapidement après leur mise en service, des troubles affectent la santé des animaux.

« Le taux cellulaire dans le lait a augmenté »

Depuis juin 2013, date effective de la mise en service du parc éolien, plus de 300 vaches sont mortes de manières inexpliquées. Le taux cellulaire du lait a augmenté de manière concomitante, le rendant de moins bonne qualité. Les vaches se sont mis à boire moins, et la quantité de lait produite a baissé. Bizarrement, les vaches se comportent normalement quand les éoliennes sont arrêtées.

Quatre exploitations agricoles de la région à proximité du parc éolien de Nozay sont concernées par ces graves problèmes.

Lors d’un arrêt accidentel des éoliennes en 2017, l’un des agriculteurs a pu constater la nette amélioration de la santé de ses vaches et du rendement de la traite. Dans la presse locale, il précise :

« Nous avions fait venir un huissier pour constater la mise hors tension (des éoliennes). Pendant cette courte période, le troupeau s’est enfin comporté normalement. Cela a été constaté par les chiffres du robot de traite, analysés par un expert. Et nous mêmes, on a retrouvé le sommeil. »

propos recueillis par Cécile Julien, « Chez Murielle et Didier Potiron : un champ d’éoliennes met à mal notre santé et celle de notre troupeau », dans web-agri.fr, le 3 mai 2019

En août 2018, la préfecture de Loire Atlantique a demandé à faire des tests consistant à couper les câbles de mise à la terre des éoliennes afin de vérifier s’il ne s’agissait pas d’un problème de diffusion d’électricité dans le sol. Le résultat fut pire et les agriculteurs ont ressenti une aggravation de leurs problèmes de santé et même des décès accrus de vaches.

Les ministères aux abonnés absents

A la question du sénateur Adrien Taquet, inquiet du cas du parc éolien de Nozay, le secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé donna cette réponse :

« La revue des connaissances disponibles en matière d’effets sanitaires (…) ne met pas en évidence d’arguments scientifiques suffisants en faveur de l’existence d’effets sanitaires autres (…) qu’un effet nocebo. »

“Impact des éoliennes sur la santé”, réponse du Secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des Solidarités et de la Santé, JO Sénat, 20 mars 2019, p.3154

Nos gouvernants actuels nient le lien entre la santé du bétail et l’exploitation de parcs éoliens. Ils seraient bons qu’ils se rappellent la commission sénatoriale de 2010 qui créa les Groupes de Protection et Sécurité Électrique (GPSE), afin qu’EDF et les riverains puissent se concerter sur les nuisances des lignes à haute tension (4)

Il est curieux qu’aucun promoteur du vent ne fassent partie de GPSE, à même de mesurer scientifiquement les champs magnétiques et les courants induits dans les structures métalliques agricoles : hangar, cornadi, abreuvoir, …. Les moyens scientifiques nécessaires à une analyse sérieuse des phénomènes sont hors de portée des agriculteurs et vétérinaires locaux. 

Malheureusement, le cas de Nozay n’est pas un cas isolé.

En Bretagne, plusieurs agriculteurs constatent également des morts de vaches à proximité de parcs éoliens. Selon Eric de la Chesnais, lui-même agriculteur et journaliste spécialiste du monde agricole, il existe de nombreux cas dans toutes les régions d’élevage en lien avec les parcs éoliens, comme en Basse Normandie, cette fois dans un élevage de lapins, placé depuis en situation de redressement judiciaire (5).

Dans tous les cas référencés, les producteurs de lait interrogés soulignent tous qu’après l’installation d’éoliennes à proximité de leur ferme, ils ont connu une baisse notable de la quantité de lait produit.
Une étude vétérinaire a été réalisée en Pologne (6) pour mesurer l’impact sur des oies placées à proximité de parc éolien. Les résultats ont révélé que les oies élevées à 50 mètres des éoliennes ont pris moins de poids et leur concentration sanguine cortisol, une hormone du stress, est supérieure à celles des oies placées à une distance de 500 mètres.

En 2014, au Danemark, un scandale a éclaté après qu’un éleveur de visons a connu dans son élevage une mortalité exceptionnelle et un nombre de fausses couches impressionnant (mille six cents !), un an après l’installation à côté de son élevage d’un parc de quatre éoliennes de 140 mètres de haut. Après avoir manifesté son désarroi auprès des autorités du Danemark, l’éleveur est parvenu à faire prendre conscience du Comité de l’environnement danois des importants risques pour la santé animale et humaine des installations d’éoliennes.

Malgré ces témoignages, le gouvernement français est toujours dans le déni.

Ce déni pourrait bel et bien se retourner un jour contre lui.

Extraits issus du livre « Éoliennes » de Fabien Bouglé, Éditions du Rocher.

  • (1) « Faire du défit climatique un opportunité pour l’agriculture », rapport d’orientation 2020, FNSEA, octobre 2020
  • (2) propos recueillis par Cécile Julien, « Chez Murielle et Didier Potiron : un champ d’éoliennes met à mal notre santé et celle de notre troupeau », dans web-agri.fr, le 3 mai 2019
  • (3) “Impact des éoliennes sur la santé”, réponse du Secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des Solidarités et de la Santé, JO Sénat, 20 mars 2019, p.3154
  • (4) Rapport sur « Les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension », Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques​ et technologiques, mai 2010
  • (5) Eric de la Chesnais, « La mort mystérieuse de bovins en Bretagne inquiète des éleveurs », Le Figaro, 28 avril 2019.
  • (6) « Preliminary studies on the reaction of growing geese to the proximity of wind turbines », Journal polonais des sciences vétérinaires, 2013

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