Pourquoi les volcans d’Auvergne visent-ils une reconnaissance de l’Unesco pour leurs tourbières et zones humides ?
La Montagne – Anne Bourges – Publié le 02/02/2022 à 19h00
Ce 2 février, partout dans le monde, les regards éveillés à la question environnementale et climatique s’intéressent aux tourbières. Réservoirs uniques de biodiversité depuis 10.000 ans, les zones humides font l’objet d’une journée mondiale. Le Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne invite à découvrir celles qui lui permettent de viser une reconnaissance par l’Unesco.
Que mobiliser face aux défis environnementaux quand le climat change aussi vite ? L’un des outils pour préserver la fonctionnalité des écosystèmes actuels se trouve dans des espaces que des générations entières ont drainé, asséché, affublé de légendes obscures et même tenté d’éliminer. Mal aimées pour leurs sols tremblants, où les bottes et les pieds des troupeaux n’en finissent pas de s’enfoncer, les tourbières reviennent en grâce. Réservoirs uniques de biodiversité depuis 10.000 ans, les tourbières et zones humides se révèlent cruciaux face au changement climatique.
Dans le monde entier, cette prise de conscience amène à conforter leur préservation et à mieux les connaître.
C’est tout l’objet de la Journée mondiale des zones humides du 2 février (1) que le Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne (PNRVA) relaiera avec deux rencontres durant le week-end du 26 et 27 février.
Pourquoi s’intéresser aux tourbières ?
Particulièrement menacées par la double pression de l’activité humaine et du changement climatique, les tourbières sont des milieux naturels dont le fonctionnement n’a pas d’équivalent.
Il a fallu presque 10.000 ans pour structurer ces accumulations de matières végétales très particulières, qui se forment dans des sols constamment gorgés d’eau !
Les tourbières, selon le Parc des volcans.
« Cet écosystème particulier est constitué d’une végétation originale produisant une roche végétale : la tourbe. De 40 cm à 10 m de profondeur,
la tourbe résulte de l’accumulation de débris végétaux depuis la dernière glaciation, conservés en milieu froid, humide et acide.
Elle regorge d’espèces remarquables comme la canneberge, les sphaignes ou les droséras.
Tel un livre ouvert sur l’évolution des paysages, ces sites magiques, parfois inquiétants, nous aident à mieux comprendre notre histoire, celle du territoire, et du climat »
Leur valeur patrimoniale est d’abord importante au regard des époques glaciaires, dont elles maintiennent le témoignage vivant à travers des végétaux privés d’autres refuges climatiques.
Les tourbières, souvent situées dans les cuvettes, entretiennent des microclimats locaux, dans des vallées humides et froides, qui sont indispensables pour toute une biodiversité
de gastéropodes, insectes, plantes carnivores, mousses et végétaux qui n’ont pas d’autres refuges.
« C’est notamment le cas des espèces dites « relictes glaciaires », qui y trouvent leurs dernières places de survie », explique Philippe Boichut chargé de mission patrimoine naturel au PNRVA.
Mais l’enjeu dépasse celui de la biodiversité qui se concentre ici, dans les zones humides. C’est désormais leur rôle dans le cycle de l’eau qui attire tous les regards.
Les travaux des dernières décennies montrent le rôle important qu’elles jouent en fonctionnant un peu comme des réservoirs naturels :
permettant de retenir l’eau en période de pluies, et de la restituer progressivement au bénéfice des nappes phréatiques et des cours d’eau pendant les périodes sèches.
« Ce sont aussi des puits de carbone qu’il faut conserver pour le stockage et la fixation du CO2, qui reste figé dans la matière végétale partiellement décomposée.
Quand on altère une tourbière, le carbone est relargué dans l’atmosphère, et c’est ce qu’il faut éviter ».
Les tourbières auvergnates vers une labellisation internationale ?
L’anthropisation des espaces et le réchauffement accélèrent comme jamais la disparition des zones humides sans autre possibilité de repli pour des écosystèmes fragiles.
Les milieux tourbeux représenteraient environ 100.000 hectares en France métropolitaine. C’est peu.
Or le Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne (PNRVA) en est riche.
C’est ce qui a amené le PNRVA à construire un projet de labellisation en site Ramsar (2). Objectif : affiner les connaissances et de préserver ces milieux uniques.
Sur les 36 communes du Réseau des tourbières Cézallier Artense, les premiers travaux et partenariats ont permis d’identifier quelque 200 lacs et tourbières,
soit près de 9.000 hectares habitats humides tourbeux (tourbières, zones humides et lacs).
La densité de tourbières est particulièrement importante dans le Cézallier (Puy-de-Dôme) et l’Artense (Cantal). Elles se sont formées il y a 8.000 ans, et jusqu’à 3.000 ans en arrière pour les plus récentes.
Pour l’essentiel dans des cuvettes creusées à l’époque glaciaire. Après la collecte des savoirs locaux et plusieurs séries d’ateliers de réflexion,
une nouvelle étape est engagée avec la candidature de labellisation Ramsar, pour une reconnaissance internationale de l’importance de ces tourbières.
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