Le Figaro – Par Éric De La Chesnais – Publié le 06/01/2023
DÉCRYPTAGE – Alertée par une étude menée dans 54 villages particulièrement exposés aux éoliennes, l’agence régionale de santé des Hauts-de-France a pris ces signalements très au sérieux.
Sur seulement 5,7 % du territoire national, les Hauts-de-France regroupent 33 % des éoliennes du pays. Une hyperconcentration qui pourrait avoir des conséquences sur la santé des riverains. L’Aisne, avec 474 mâts implantés, 174 fraîchement autorisés et 305 dossiers en instruction est particulièrement visée par cette question sensible. Elle et la Somme sont les départements où la densité de ces pylônes est la plus importante de l’Hexagone. Un simple déplacement de nuit sur ses routes rurales permet de comprendre l’ampleur du phénomène. Avec une multitude de clignotants rouges très rapprochés, certains champs font davantage penser à une piste d’atterrissage qu’à des parcelles agricoles. L’intensité lumineuse est telle qu’elle pousse les coqs à chanter dès 1 heure du matin. Certains riverains se plaignent d’effets sur leur santé: insomnies, migraines, acouphènes, etc.
Pour en avoir le cœur net, l’association SOS Danger éolien a décidé d’interroger les habitants de 54 villages particulièrement exposés aux éoliennes, dans un rayon de 30 kilomètres autour de Marle dans la Thiérache. Par sa géographie propice aux implantations, ce territoire regroupe deux tiers des éoliennes du département. «Sur une population de plus de 25.000 habitants particulièrement exposés aux éoliennes, 359 ont déclaré avoir des troubles de la santé», indique Jean-Louis Rémouit, administrateur de la Fédération environnement durable (FED), association opposée au développement de l’énergie éolienne en France, rassemblant 1300 associations locales dans tout le pays.
À ce jour, aucune étude scientifique n’a démontré un lien de causalité entre des maladies et l’exposition aux éoliennes. Mais le militant reprend: «Parmi les symptômes les plus fréquemment rencontrés, 55 % des malades interrogés déclarent souffrir d’insomnies, 45 % de migraines, 38 % d’acouphènes, 28 % d’anomalies cardiaques et le quart de vertiges. Les conclusions publiées fin 2022 montrent une corrélation entre ces maladies et la présence d’éoliennes. Nous avons transmis ces résultats en totalité à la préfecture et au fil de l’eau à l’ARS.» L’agence régionale de santé des Hauts-de-France a pris ces signalements très au sérieux. Son directeur, après avoir reçu plusieurs fois les représentants de SOS Danger éolien, a envoyé un courrier circonstancié de deux pages au professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé. «Ces symptômes ne sont pas spécifiques d’une pathologie et sont fréquents dans la population générale. Néanmoins, il apparaît que les éoliennes pourraient favoriser l’apparition de ce type de symptômes regroupés sous le terme de syndrome éolien. Il pourrait correspondre à un ensemble de manifestations consécutives à un stress et une perte de sommeil», écrit-il notamment.
«On va vers un scandale d’État»
Selon Jean-Louis Rémouit, les résultats de cette étude seraient sous-évalués: «Seule la moitié des personnes interrogées souffrant de maux a bien voulu signer le document officiel relatif à une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Les autres, par peur de représailles, n’ont pas voulu qu’on transmette leurs données. Il y a en réalité deux fois plus de malades.» Du côté de l’exécutif régional, on reconnaît la gravité de la situation. «Nous demandons qu’une instance médicale indépendante se penche sur la réalité des maladies provoquées par les éoliennes. Le fait que la santé des animaux soit aussi impactée montre qu’il ne peut y avoir d’effets placebo, réagit Xavier Coulon, en charge de la ruralité et de l’éolien. La situation est devenue hors de contrôle avec tous les projets à venir. Notre alerte rencontre un écho favorable, y compris chez les partisans de l’éolien. Delphine Batho a fait adopter un amendement contre la saturation éolienne dans le projet de loi qui sera voté mardi au Palais Bourbon.» En revanche, la prudence est de mise à la préfecture de l’Aisne. «Nous avons rencontré le secrétaire général de la préfecture de Laon ce jeudi. Il nous a renvoyés vers l’ARS. Elle nous cache le rapport qu’elle a effectué sur la base de nos recherches», pointe Xavier Coulon.
Le cas de l’Aisne n’est pas isolé. «Des maux similaires sont relevés dans des populations riveraines de nombreux parcs éoliens en France, assure Xavier Moreno, ancien membre du comité exécutif de Sanofi, actuel président du Cercle d’étude réalités écologiques et mix énergétique (Cérémé). Il serait du ressort de l’État de conduire une étude de pharmacovigilance et de santé publique, documentée selon des formes scientifiques appropriées. En Allemagne, l’association des médecins s’est saisie de la question des risques pour la santé d’une exposition aux infrasons émis par les éoliennes. On pourrait s’en inspirer.»«On va vers un scandale d’État, affirme Fabien Bouglé, lanceur d’alerte sur le sujet. Celui du vent contaminé.»
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