Mardi 10 janvier 2023, les députés ont adopté le projet de loi d’accélération des EnR (énergies renouvelables). Faisons un tour d’horizon des principales mesures de ce texte adopté grâce au vote des députés PS.

Hémicycle Assemblée Nationale
Hémicycle Assemblée Nationale

Dans un hémicycle comble, les macronistes ont réussi leur pari : pour la première fois depuis le début du quinquennat, ils ont voté avec les socialistes pour adopter le projet de loi sur l’accélération du développement des énergies renouvelables (ENR).

Présenté comme l’un des textes les plus importants du deuxième mandat d’Emmanuel Macron, ce projet de loi a pour objectif de rattraper un pseudo retard de la France en matière d’électricité verte. Pour 2050, le Président Macron et l’Europe se sont fixé de multiplier par dix la capacité de production d’énergie solaire pour dépasser les 100 GW, et de déployer 50 parcs éoliens en mer pour atteindre 40 GW.

Pour y parvenir, le gouvernement veut « simplifier » l’installation des parcs de production, et réduire les délais. Il faut aujourd’hui environ 5 ans pour voir un parc solaire sortir de terre, environ 7 ans pour des éoliennes terrestres, et une dizaine d’années en mer. Le texte prévoit donc des adaptations “temporaires” des procédures administratives pour simplifier et accélérer la réalisation des projets.

De nouveaux contentieux

Les élus de l’Assemblée ont ainsi réintroduit un article controversé visant à réduire les contentieux contre certains projets d’énergie renouvelable, en leur reconnaissant une « raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) ». 

Une disposition très critiquée par la gauche et les ONG de protection de l’environnement, qui craignent de nombreuses dérogations aux obligations de protection de la biodiversité, via cette présomption d’intérêt public, malgré la création d’un observatoire de la biodiversité qui devra faire un état des lieux des impacts des renouvelables sur la nature. 

Dans un effort d’acceptabilité, le camp présidentiel a toutefois intégré un amendement des écologistes pour que les collectivités veillent à limiter « la saturation visuelle », pour éviter l’installation d’un trop grand nombre de projets, notamment éoliens, sur un même territoire. Une mesure qui ouvre la voix à de nombreux nouveaux contentieux, craignent les professionnels du secteur.

Les collectivités sous pression

A travers cette loi, le camp présidentiel espère mettre en œuvre une meilleure planification du déploiement des énergies renouvelables. Les communes devront identifier des « zones prioritaires » pour accueillir les centrales, qui pourront alors bénéficier d’incitations à l’installation, par exemple fiscales. Cette cartographie des zones devrait voir le jour d’ici un an, assure la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.

En cas de proposition de zones insuffisantes, les préfets pourront en suggérer, mais aucune zone ne pourra être définie comme prioritaire sans l’aval des maires. À l’exception des procédés de production en toiture, ces zones ne pourront être incluses dans les parcs nationaux et les réserves naturelles.

Pour mieux répartir les centrales, des avantages tarifaires sont également prévues pour inciter les porteurs de projets à s’installer sur des zones aux conditions naturelles à priori moins favorables

Des « zones prioritaires » seront aussi définies pour l’éolien offshore, en priorité en zone économique exclusive, soit à plus de 22 km des côtes, et en dehors des parcs nationaux ayant une partie maritime. 

En revanche, l’Assemblée n’a pas retenu les dispositions sur l’accélération des procédures et l’encadrement des contentieux. Il n’y a par exemple, pas de délai inscrit dans la loi pour engager l’instruction, là où d’autres pays fixent ce délai à quelques semaines seulement. 

Achat du silence

Quant aux collectivités, ce texte leur ouvre l’accès aux PPA, les power purchase agreement. Via ce type de contrat de moyen à long terme, la collectivité aide à financer la centrale en signant avec le producteur d’énergie local pour consommer directement l’énergie produite sur son territoire, sans passer par un fournisseur, et avec un tarif garanti. Gagnant-gagnant ? C’est la poursuite du pillage de l’électricité bon marché d’EDF.

Les ménages en précarité énergétique habitant dans une commune concernée par l’installation d’une centrale renouvelable pourraient, eux, bénéficier d’aides spécifiques, via des fonds qui pourront aussi financer des projets en faveur de la biodiversité.

Les entreprises sous pression

Outre les procédures administratives, reste à trouver l’espace nécessaire à l’installation des centrales, notamment pour les panneaux photovoltaïques. Le texte prévoit donc de permettre l’installation de panneaux sur les bords de routes et autoroutes, ou de déroger à la loi littorale pour autoriser le photovoltaïque sur les friches en bord de mer.

Les parkings de plus de 1.500 mètres carrés en extérieurs devront aussi obligatoirement être recouverts d’ombrières photovoltaïques sur la moitié de leur surface. Pour plusieurs ONG et écologistes, le texte ne va toutefois pas assez loin pour favoriser le développement du photovoltaïque. Ils auraient souhaité une plus grande mobilisation des surfaces déjà artificialisées, comme les parking dès 250 ou 500 m2, ou les zones polluées. 

Les entreprises publiques, et privées de plus de 250 salariés auront, elles, l’obligation, dans les deux ans après la promulgation de la loi, d’établir un « plan de valorisation foncier en vue de produire des énergies renouvelables ». Ce plan devra contenir des objectifs chiffrés par typologie d’énergie. Il permettra de recenser le foncier accessible, se félicitent les acteurs du photovoltaïque.

En revanche, pas question d’empiéter sur les terrains agricoles, sauf si la terre est réputée inculte, ou non exploitée depuis au moins 10 ans. Le projet de loi prévoit tout de même une définition et un cadre pour l’agrivoltaïsme, qui combine panneaux solaires et exploitation agricole. A quelques conditions: l’installation de panneaux solaires devra apporter au moins un service à l’exploitation agricole, l’activité agricole doit rester l’activité principale sur la parcelle, et l’installation photovoltaïque doit être réversible. 

La suite en commission mixte paritaire

Le texte adopté ce mardi par l’Assemblée nationale est finalement très différent du texte adopté en novembre par le Sénat. Mais comme le gouvernement a enclenché la procédure accélérée, il n’y aura pas de nouvelle navette parlementaire. Il reviendra donc à une commission mixte paritaire, réunissant des membres des deux chambres, de trouver un compromis. Un dernier espoir pour les verts abstentionnistes: « Le cheminement de ce texte n’est pas fini, et suite à cette première lecture, il est encore possible d’aboutir à un texte renforcé, lors de la commission mixte paritaire », veut croire EELV dans un communiqué diffusé avant le vote. « Les travaux de la CMP seront déterminants », a conclu Charles Fournier.

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