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Le Réseau de Transport d’Électricité (RTE) estime à 100 milliards d’euros les investissements nécessaires d’ici 2040 pour moderniser le réseau électrique français et l’adapter notamment à une production renouvelable intermittente qui le fragilise et aux nouveaux besoins de l’industrie, du chauffage et des transports. Le problème est qu’en matière de prévisions cela fait des années que RTE n’est pas d’une grande fiabilité. Les investissements dans le réseau étaient encore estimés à 33 milliards d’euros il y a cinq ans… Il faut donc prendre les estimations de RTE avec des pincettes ce que dit d’ailleurs la CRE (Commission de Régulation de l’Energie). Mais il y a au moins une certitude. Le réseau vieillissant avec des lignes aériennes qui ont souvent 70 ans doit impérativement être modernisé. 

Les débats autour de la transition énergétique tournent quasi exclusivement autour des sources de production, voyant l’affrontement des pro renouvelables intermittents et des pro nucléaire, en France et dans toute l’Europe. Le reste du monde se pose beaucoup moins de questions. Il faut dire que le différent est bien plus idéologique que technique et ne prend pas souvent en compte une donnée essentielle, celle des réseaux électriques qui doivent être dimensionnés et organisés très différemment si les productions d’électricité sont centralisées et massives ou dispersées et unitairement faibles. Il s’agit du véritable talond’Achille de la transition.

Les réseaux sont des équipements stratégiques pour l’économie d’un pays. Chez nos voisins allemands, adeptes du tout renouvelable… et du charbon et du gaz, la Cour des comptes estime la facture à 460 milliards d’euros d’ici 2045 uniquement pour l’adaptation du réseau aux productions éoliennes et solaires appelées à continuer à augmenter.

Le programme le plus ambitieux depuis 75 ans

Ce chantier vient juste de s’ouvrir en France, avec la soumission par RTE (Réseau de Transport d’Électricité) à consultation du public de son nouveau Schéma Décennal de Développement du Réseau (SDDR). On y trouve des informations très intéressantes. La première et de loin la plus importante pour le consommateur est l’estimation du coût des investissements à réaliser. Ils sont estimés à 100 milliards d’euros d’ici 2040, ce qui est très inférieur aux besoins allemands du fait de la nature très différente de la production électrique actuelle et à venir, mais est tout de même le programme le plus ambitieux depuis 75 ans et la reconstruction de l’après-guerre. Rappelons tout de même que les 100 milliards d’euros d’investissements s’ajouteront au 96 milliards jugés nécessaires par le gestionnaire du réseau de distribution moyenne et basse tension Enedis sur la période 2022-2040.

Cela dit, cet exercice de planification des investissements est périlleux. Surtout qu’en matière de prévisions, RTE n’a pas toujours brillé par sa clairvoyance. L’entreprise publique prévoyait encore il y a quelques années une forte baisse de la consommation électrique lors des prochaines décennies… La dernière version de son SDDR, qui remonte à 2019, prévoyait un budget de 33 milliards d’euros à 2035. Il a été multiplié par trois en cinq ans !

En outre, il est particulièrement difficile de construire un scénario crédible quand la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui selon la loi devait être adoptée avant l’été 2023 vient une fois de plus d’être repoussée aux calendes grecques par le gouvernement. Le gestionnaire de réseau a donc dû se baser… sur ses propres estimations,issues de la mise à jour de son rapport « Futurs Énergétiques 2050 » qui comportent donc plusieurs scénarios d’autant plus aléatoires que l’on est incapable aujourd’hui en France de construire une PPE qui couvre deux périodes consécutives de cinq ans.

Quelques maigres certitudes 

Ainsi, les estimations liées à la production (raccordement des nouveaux EPR2, des champs éoliens marins), mais aussi des nouveaux usages électriques (renforcement du réseau pour répondre à l’électrification des transports et du chauffage, raccordement à très haute puissance des zones industrielles électro intensives…) sont intégralement issues des calculs de RTE.

Il faut donc prendre tout cela avec des pincettes mais faire néanmoins quelques remarques.La première est que le réseau fait face à un vieillissement important entraînant de fortesdépenses de régénération. Plus de 20% des lignes aériennes ont 70 ans. RTE veut un quasitriplement des engagements financiers en la matière. Entre le quart et le tiers des 100 milliards annoncés sont liés à des programmes de régénération.

La deuxième remarque porte sur l’impact de l’électrification de l’industrie et notamment de l’industrie lourde à Dunkerque ou Fos sur Mer. L’investissement prévu sur les derniers hauts-fourneaux français afin de sortir du charbon représente plus d’un milliard d’euros par an. Si la décarbonation de l’industrie est une nécessité, la question de la répartition de la facture ne manquera pas de se poser. Est-ce au contribuable de payer, dans un contexte de restriction de la dépense publique ? Est-ce au consommateur industriel, au risque de perdre en compétitivité ? Il ne semble pas y avoir de bonne réponse, mais il faudra bien en trouver une.

Troisième et dernière remarque, tous les réseaux européens vont devoir se moderniser au même moment. L’exemple allemand est là pour le démontrer. Ce la signifie que RTE va devoir batailler avec les autres gestionnaires de réseaux électriques en Europe pour sécuriser des capacités de production de câbles ou de sous-stations électriques qui sont très insuffisantes à l’échelle mondiale… Cela signifie que les prix des équipements vont s’envoler.

En définitive, cette consultation pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. C’est dans ce contexte de flou que la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) a décidé de se saisir du sujet afin d’évaluer les estimations de RTE et les confronter à une contre-expertise les jugeant implicitement contestables.

On peut tout de même se réjouir du malheur des autres… Notre choix d’une production centralisée organisée autour des centrales nucléaires préserve partiellement de l’explosion des « coûts cachés » à l’allemande.

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