Les Echos – Fabien Bouglé – Publié le 16 mars 2022 à 18:02
Comme le montre l’exemple allemand, réduire le nucléaire et opter pour l’éolien et le solaire rend en réalité dépendant du charbon et du gaz, tout en accentuant les émissions de CO 2 , dénonce Fabien Bouglé.
François Hollande plaide pour une souveraineté énergétique basée sur les renouvelables. Les éoliennes ou les panneaux solaires sont sa solution pour ne plus dépendre du gaz russe. Initiateur de l’affaiblissement de notre système énergétique par la dislocation du nucléaire français, il persiste dans la voie sans issue des renouvelables qui ne permet pas de baisser les émissions de gaz à effet de serre.
Remplacer le nucléaire par des énergies intermittentes n’est pas la solution. Comme le montre l’exemple allemand, réduire le nucléaire rend dépendant du charbon et du gaz, couplé à l’éolien ou au solaire, tout en accentuant les émissions de CO2.
Toute réduction du nucléaire en France impose de construire plus de centrales à gaz. Le ministère de la Transition écologique a publié en mars 2020 un rapport précisant qu’une baisse du nucléaire, associée au développement des renouvelables, obligerait la France à construire 20 centrales à gaz, pour prendre le relais lors des pointes de consommation où les éoliennes ne peuvent produire, et éviter ainsi des coupures d’électricité. Lors de la reprise post-Covid en 2021, l’Allemagne, confrontée au manque de vent, a été obligée de relancer ses centrales électriques au gaz ou au charbon, ce qui a participé à l’explosion des prix du gaz en Europe.
Un système électrique avec les seules ENR ne marche pas
Patrick Pouyanné, le patron de TotalEnergies, confirmait ce mécanisme le 30 mai 2021 sur Europe 1 en précisant : « Un système électrique avec seulement des énergies renouvelables, ça ne marche pas. Pourquoi ? Parce que c’est intermittent. Il y a de l’électricité quand il y a du soleil et du vent. Il faut une autre énergie. […] Le gaz est le meilleur substitut au charbon. »
En France, alors que nous disposons d’un mix électrique à 81 % de nucléaire et d’hydraulique, il est vain de prétendre développer les renouvelables pour s’affranchir du gaz. C’est l’inverse qui survient : accentuer les renouvelables comme les éoliennes, c’est augmenter notre dépendance aux énergies fossiles et en particulier russes.
Toute réduction du nucléaire en France impose de construire plus de centrales à gaz.
En 2021, selon RTE, les éoliennes ont produit en France 7 % de moins d’électricité qu’en 2020. En même temps, l’électricité d’origine fossile a augmenté de 3 %, avec un accroissement de 180 % de la contribution des centrales au charbon, avec en plus 11 TWh d’électricité très sale importée d’Allemagne.
Nos éoliennes viennent d’Allemagne, pas le nucléaire
L’ancien président semble occulter la réalité des chiffres. Pour produire une même quantité d’électricité, il faut installer 3 fois plus de puissance éolienne que de nucléaire en raison de leur facteur de charge respectif alors que la durée de vie d’une éolienne est de 20 ans et celle d’une centrale nucléaire de plus de 60 ans. En prenant les chiffres officiels, pour une même production d’électricité, le coût d’installation des éoliennes est 10 fois supérieur à celui du nucléaire.
En outre, la question de la souveraineté par les renouvelables donne à réfléchir. La France est, pour les éoliennes, totalement dépendante de l’industrie allemande et danoise (respectivement 65 % et 30 % de celles installées en France), alors que la quasi-totalité des composants d’une centrale nucléaire sont produits en France avec des emplois non délocalisables. Et ce n’est pas l’installation d’ateliers temporaires de montage d’éoliennes de groupes étrangers, à Saint-Nazaire ou au Havre, qui changeront la donne.
Il faut envisager un plan massif pour le nucléaire
L’ancien chef d’Etat défend le modèle en fin de vie de l’Energiewende allemand, un échec tellement retentissant que le pays le plus engagé dans la sortie du nucléaire envisage d’accentuer sa production d’électricité au charbon, pour ne plus dépendre du gaz russe. Quel paradoxe ! Avec ce modèle, notre voisin a le bonnet d’âne en Europe des émissions de CO2 pour son électricité, avec près de 500 g/kWh là où la France, grâce à son nucléaire, se situe dans les 50 g/kWh.
Il n’y a aucun intérêt pour la France à continuer de suivre le modèle de nos voisins. Nous devons envisager, avec bien plus d’ambition que dans le discours de Belfort, un plan de relance massif du nucléaire, décrété comme grande priorité nationale, à l’instar du plan Messmer lancé lors du précédent choc pétrolier de 1973.
Fabien Bouglé est expert en politique énergétique.
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