TRIBUNE. De plus en plus critiquée pour ses nombreuses faiblesses (énergétiques, industrielles, écologiques et économiques), le lobby éolien censure un colloque à HEC sur la souveraineté énergétique. La filière éolienne se radicalise et, pour conserver sa position dominante, se montre prête à tout, y compris à l’intimidation, à la censure ou à l’injure, explique Fabien Bouglé, expert en politique énergétique et auteur de Guerre de l’Energie au cœur du nouveau conflit mondial (édition du Rocher, septembre 2023).
Valeurs Actuelles – Par Fabien Bouglé Publié le 1 décembre 2023
Le lundi 27 novembre se tenait dans l’enceinte de l’Ecole militaire un colloque sur la souveraineté énergétique et ses enjeux. Ce colloque était initialement organisé par le Club HEC Géostratégies et son partenaire l’Association des auditeurs IHEDN Paris Île de France et faisait intervenir des représentants de l’État, des anciens dirigeants d’entreprises énergétiques françaises et des spécialistes de très haut niveau sur le sujet.
Quelques jours auparavant, cet évènement historique a suscité une réaction sur LinkedIn de Monsieur Karim Megherbi, diplômé d’HEC, chef d’entreprise et lobbyiste dans les énergies intermittentes installé à Dubaï, qui a nommément dénoncé, insulté et jeté l’anathème sur certains intervenants, parmi lesquels des personnalités qui à ses yeux étaient non fréquentables et se voyaient dès lors qualifiées de tous les noms.
Cette attaque portée au niveau de l’école HEC a entrainé des manœuvres internes à tel point que celle-ci a choisi de se retirer. A la suite de cela, le Président des anciens d’HEC, Adrien Couret, s’est fendu d’un courriel aux organisateurs le 12 novembre décrétant l’annulation du colloque. On retiendra que celui-ci est le dirigeant d’AEMA groupe mutualiste dont la société de gestion OFI Finance est fortement investie dans les éoliennes et en particulier dans la société d’énergie renouvelable Iberdrola.
Cette société espagnole particulièrement impliquée dans la filière éolienne est actuellement au cœur d’un immense scandale en Espagne sur une manipulation de cours du marché de l’électricité. En outre, sur son site, la société OFI Finance n’hésite pas à faire une valorisation de la transition énergétique par les énergies intermittentes et une critique sévère du coût de l’énergie nucléaire.
L’affaire prend une autre tournure lorsque l’on découvre qu’HEC vient d’engager en septembre comme professeur titulaire le belge François Gemenne, membre du GIEC et conseiller scientifique de la Fondation pour la Nature et l’Homme (ex-fondation Ushuaïa créée par Nicolas Hulot). Cette fondation abrite en son sein la fondation de l’exploitant éolienne Valorem particulièrement connue pour son activisme pour la promotion du modèle allemand de l’Energiwende.
La société est un membre actif du lobby éolienne allemand OFATE (Office Franco-Allemand de la Transition Energétique) dont les locaux sont situés dans les bureaux de la DGEC au Ministère de l’Energie et son dirigeant Jean Yves Grandidier est un membre influent d’Europe Ecologie les Verts au point d’être candidat au dernières élections européennes sur la liste de Yannick Jadot.
Ne pouvant obtenir la censure du colloque et malgré des pressions diverses visant à exclure certains intervenants, l’école HEC Paris et HEC Alumni devaient finalement se désengager de l’organisation du colloque le 14 novembre avec comme raison :
« HEC Paris a pour vision de contribuer à un monde plus inclusif, plus durable et plus prospère à travers sa recherche, ses enseignements et ses actions. Très engagée sur la transition durable, l’Ecole valorise le débat constructif et l’échange d’idées et d’opinions, tant que ceux-ci s’appuient sur des faits validés scientifiquement. Par conséquent la présence de plusieurs personnalités réputées climato-sceptiques à ce colloque, non validées par HEC Paris, rend impossible toute association avec l’événement. »
Le colloque de très grande tenue – qui a mis en exergue des échanges passionnants et d’une actualité brulante – s’est donc déroulé sans HEC, pris en flagrant délit de refus de débats contradictoires. Lors de son intervention, le Général Durieux – Directeur de l’Institut IHEDN – a pour sa part martelé la nécessité majeure pour son institution de participer aux échanges d’idées dans un débat contradictoire respectueux.
Et c’est finalement la stricte observance de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui prévoit à son article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement (…) »
La guerre mondiale de l’énergie a bien lieu à tous les niveaux
Cette tentative insoutenable de censure et ces pressions mises en œuvre par HEC en liaison avec la filière éolienne sont donc particulièrement troublantes dans notre période de tensions. L’implication de l’école et de son association d’anciens élèves dans une tentative de censure d’un débat démocratique sur la politique énergétique de la France interroge sur son avenir.
N’envisager un débat qu’entre professionnels ayant la même position sur la « transition énergétique » est bel et bien une dérive sectaire insoutenable d’autant plus grave que les attaques visaient également Henri Proglio, ancien grand dirigeant d’entreprise française et surtout lui-même diplômé et ancien d’HEC, qui s’est d’ailleurs ému, lors de son intervention, de l’absence de son école.
L’implication des protagonistes d’HEC dans la filière éolienne à l’origine de cette volonté de clore tout débat doit particulièrement interroger sur leurs réelles motivations, alors que le colloque a justement abordé la question de l’utilité des énergies intermittentes pour la souveraineté énergétique française, alors que grâce à ses centrales nucléaires et ses barrages, notre pays est l’un des meilleurs élèves en Europe pour son électricité décarbonée et sa souveraineté énergétique.
Décidément, la guerre mondiale de l’énergie a bien lieu à tous les niveaux, et cet épisode en est la plus parfaite illustration. Dans ce contexte, ce colloque sur la souveraineté énergétique a connu en réalité une réelle offensive de guerre informationnelle, qui pose, pour la France, trois problèmes graves :
– Pourquoi, dans un pays se disant démocratique, souhaite-t-on annuler un colloque impliquant des personnalités et des experts renommés, sur une question aussi importante que la souveraineté énergétique française ?
– Pourquoi l’entité HEC, qui forme les cadres de l’avenir, s’associe-t-elle à une telle démarche ?
– Pourquoi enfin des forces politiques, à la suite d’HEC, ont-elles pu intriguer et continuer à faire pression pour modifier l’ordonnancement d’un tel colloque ?
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