Ce tutoriel permet de répondre aux questions des maires au sujet de la loi d’accélération des énergies renouvelables, et de la détermination des Zones d’Accélération du Déploiement des Energies Renouvelables (ZADER).

Nous nous attacherons à expliquer l’article 15 de la loi malgré l’absence de décret d’application, et nous parlerons surtout des éoliennes terrestres bien que la plupart des dispositions s’appliquent aussi aux autres Énergies Renouvelables (ENR).

1- Qu’est-ce qu’une ZADER ?

« C’est une zone qui présente un potentiel permettant d’accélérer la production d’ENR pour atteindre à terme sur ce territoire, les objectifs du code de l’énergie et ceux de la politique pluriannuelle de l’énergie (PPE) »

Avant la loi d’accélération, les objectifs de la PPE n’étaient pas impératifs. Les ZADER devraient désormais contribuer effectivement aux objectifs de la PPE à compter du 31 décembre 2027.

« C’est une zone qui contribue à la solidarité entre territoires et à la sécurisation de l’approvisionnement »

Quelle solidarité ? Les secteurs propices aux ENR devront supporter la part des secteurs jugés non propices, ce qui contrevient au principe constitutionnel d’égalité, dont la Conseil d’État a malheureusement réduit la portée.

« C’est une zone définie pour prévenir et maîtriser les dangers ou inconvénients pour les intérêts protégés (L211-1 et L511-1 du code de l’environnement) »

Avant la loi d’accélération, le préfet se livrait à un examen des enjeux étayés par une étude d’impacts réalisée par le prometteur. Cette phrase de la loi d’accélération est importante, et il faut la garder à l’esprit afin de protéger l’intérêt des riverains, du paysage et de la nature.

« C’est une zone définie par catégorie d’ENR qui tient compte de la nécessaire diversification en fonction du potentiel du territoire concerné et de la puissance des ENR déjà installées »

Le principe d’équité entre territoire est satisfait ? En fait, il n’en est rien en regard des capacités à installer pour atteindre les objectifs de la PPE, pouvant ainsi doubler ou tripler les installations nécessaires. Pour Auvergne Rhône Alpes, il faut installer 1895 éoliennes de plus que celles installées avant 2015.

« Cette zone ne peut être installée dans les parcs nationaux et les réserves naturelles (sauf le voltaïque en toiture) et, pour les éoliennes uniquement, elles ne peuvent l’être dans les ZPS et les ZSC chiroptères (ie les chauves souris) »

Hélas le gouvernement a refusé d’ajouter les parcs naturels régionaux, mais certaines dispositions de la loi permette de contourner cet oubli.

2- Les ZADER sont-elles obligatoires ?

« Le processus de mise en place s’impose aux collectivités »

Mais aucune sanction n’est prévue s’il n’aboutit pas, c’est-à-dire si la commune ne veut pas d’énergies renouvelables sur son territoire, si elle leur réserve une parcelle limitée ou peu intéressante, ou encore si elle choisit une ENR plutôt qu’une autre.

Petit bémol : si les ZADER d’une région ne permettent pas de respecter les objectifs régionaux en matière d’ENR, il ne pourra pas y avoir de zones d’exclusions opposables dans les documents de planification et d’urbanisme : ce sera vérifié par catégorie d’énergie et non globalement toutes ENR confondues (!)

Selon les objectifs pour 2050 de la région AUvergne Rhône Alpes (AURA), et selon la production moyenne par éolienne mesurée en 2017, il faudrait installer en AURA près de 1895 éoliennes en plus du parc éolien de 2015 afin d’atteindre les 6927 GWh/an demandé par le contrat de plan état région AURA de 2015, et intitulé Schéma Régional d’Aménagement et de Développement Durable et d’Egalité des Territoires (SRADDET).

Voici les objectifs de la région AURA par catégorie d’ENR :

Il y a donc de forte chance que les objectifs irréalistes de 2015 ne soient pas atteints, sans doute au profit d’autre énergie, et nous conseillons à tous les maires d’adopter sur leur territoire la règle tirée du retour d’expérience de Bavière ou de Pologne qui vise à ne pas installer d’éoliennes sur des terres agricoles ou sur des alpages à moins d’une distance de la première habitation correspondant à 10 fois la hauteur complète de l’éolienne.

Même si les objectifs régionaux ne sont pas atteints, la loi permet au municipalité de soumettre à conditions les éoliennes (et autres ENR) dans les PLU/PLUI ainsi que dans la carte communale (hauteur, distances …) et de rendre ces contraintes opposables.

« Le pouvoir de proposition revient aux élus et ce sont eux qui ont le dernier mot sur le zonage. En conséquence, aucune commune ne pourra se voir imposer la création d’une zone d’accélération sur son territoire » Agnès Pannier Runacher, Ministre de l’Environnement, Assemblée Nationale, 31 janvier 2023

Les promoteurs n’ont aucune obligation d’installer leurs équipements de production dans les ZADER.

Ils y ont toutefois intérêt, car ils peuvent dans ces zones bénéficier d’un tarif modulé si la production est plus faible que prévu (!) et de délais d’instruction fortement réduits.

S’ils choisissent de s’implanter hors ZADER, ils devront installer un comité de projet qui sera source de tracas et subiront probablement l’hostilité préfectorale, mais ceci n’est évidemment pas écrit dans la loi.

3- Les ZADER ont-elles une durée illimitées ?

Non. Elles devront être révisées tous les 5 ans. C’est donc une nouvelle procédure qui va occuper les collectivités tous les 5 ans.

4- Comment délimiter une ZADER ?

Puisqu’une ZADER doit prévenir et maîtriser les atteintes aux intérêts protégés (!), on pourrait imaginer qu’elle reposât sur une étude sérieuse de l’environnement et des nuisances. Et bien non !

Les services de l’État vont s’adresser directement aux communes, aux communautés de communes (EPCI) et aux gestionnaires de réseaux, aux départements et aux régions, afin de récolter des informations disponibles sur le potentiel d’implantation des ENR, en leur montrant des cartographies indicatives établies par la DREAL en 2021

Carte de 2021 de la Direction Régional de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement

ou l’Observatoire Régional Climat Air Energie en 2023 https://www.orcae-auvergne-rhone-alpes.fr/

Carte septembre 2023 de l’Observatoire Régional Climat Air Énergie

Nous le rappelons, toutes ces cartes des services de l’État ne sont qu’indicatives sachant que les ZADER peuvent ne pas s’en inspirer.

Les collectivités doivent donc avoir conscience que

a) Ces cartographie indicatives ne sont pas obligatoires,
b) L’État reconnaît que leur élaboration a été imparfaite dans la méthodologie, puisqu’elles ne prennent en compte qu’une distance minimale de 500 m des habitations, et qu’elles ne tiennent pas compte des zones habitables non encore habitées.

En outre, les services de l’État reconnaissent n’avoir pu intégrer dans ces cartes indicatives les prescriptions d’urbanisme ou de planification des collectivités.

Bien entendu le règlement et les objectifs des PLU/PLUI devront être considérés et leurs prescriptions doivent s’ajouter aux enjeux identifiés par les DREAL.

La question de la saturation visuelle n’a pas été envisagée dans la cartographie de la DREAL, alors qu’il s’agit d’une question importante que la loi d’accélération aborde à plusieurs reprises.

c) Les cartographies considèrent comme ZADER les sites des parcs existants en vue d’augmentation de capacités (repowering )

Or les plus anciens ont été autorisés à des époques où la législation était plus tolérante, et les circonstances de fait et de droit ont pu évoluer.

Il n’est par ailleurs tenu aucun compte de l’accroissement important de la hauteur de ces premières installations ( parfois on passe de 120 m à 240 m ) alors que l’Etat applique quelque soit le cas une distance minimale de 500 mètres alors qu’il s’agit d’un minimum qui devrait être soumis à appréciation concrète.

d) La cartographie a été manifestement élaborée pour coller aux objectifs des SRADDET.

Elle s’accompagne donc d’une évaluation des potentiels éoliens par département.

Comme par un heureux hasard, après applications des enjeux évalués par la DREAL, on parvient miraculeusement à un potentiel global à l’échelon de la Région, tout à fait conforme aux objectifs 2030 et 2050 du SRADDET ….

Par ailleurs, les objectifs sont établis, comme le dit la méthodologie de la cartographie, hors installations existantes. Il faut donc rapprocher du potentiel estimé ( tout à fait critiquable comme nous l’avons vu ), les parcs déjà en activité, ainsi que les parcs autorisés. On dispose alors d’un différentiel en plus ou en moins : s’il y a plus d’éoliennes installées et autorisées que de potentiel évalué pour le territoire, il n’y a donc aucune raison de mettre de l’éolien dans une ZADER.

S’il y en a moins, cela n’oblige pas pour autant à en prévoir dans la ZADER.

5) Quel est le rôle dévolu aux communes ?

Les communes sont l’alpha et l’omega du processus, mais avec quelques bémols

a) Chaque commune identifie une ZADER par ENR au terme d’une délibération, après concertation du public

C’est une obligation, mais sans sanction directe.

Rien n’oblige donc une commune à proposer de l’éolien ou des ENR sur son territoire. Elle n’est pas obligée de tenir compte de la cartographie établie par la DREAL, mais il est bien évident qu’elle subira une pression en ce sens, et qu’il lui sera peut être difficile d’imaginer une proposition alternative si elle désire « jouer le jeu ».

La concertation du public est à effectuer selon des modalités librement définies

C’est un point de faiblesse, car comment être sûr de toucher tout le public ? On recommandera la mise en place au minimum d’une consultation dématérialisée comme en matière de PCAET.

Le terme de « concertation » implique en principe que l’on tienne compte de l’avis du public, même si en général, les pouvoirs publics considèrent que la concertation consiste à s’incliner devant leurs choix.

Cette concertation pour identifier la zone est un préalable à la délibération.

b) Les communes devront dans les 6 mois suivant la mise à des disposition des informations qui leur seront adressées, proposer leur ZADER au référent préfectoral et à leur communauté de communes (EPCI)

La concertation et la délibération sont donc comprises dans ce délai.

c) Les communes délivrent par délibération, chacune pour ce qui concerne son territoire, un avis conforme pour homologuer la cartographie départementale qui sera arrêtée immédiatement si les objectifs régionaux sont atteints, ou après une demande de nouvel examen dans le cas contraire.

L’avis conforme signifie que personne ne pourra imposer à une commune tout ou partie des ENR dont elle ne voudrait pas sur son territoire. Par contre, on verra qu’une commune ne pourra pas en principe imposer une ZADER qui contreviendrait au projet du territoire.

Comme les ZADER doivent être mentionnées dans les documents d’urbanisme, on ne peut en effet concevoir une contradiction avec les règles existantes du document d’urbanisme

d) Les communes peuvent créer en les intégrant dans leurs documents d’urbanisme, des zones d’exclusion des ENR, qui seront opposables si les ZADER répondent aux objectifs régionaux.

Mais l’examen de l’atteinte de ces objectifs se fera par catégorie d’ENR et non globalement toutes ENR confondues. Par ailleurs qu’il y ait ou pas ZADER, qu’elles soient ou pas en adéquation avec les objectifs régionaux, elles pourront, dans leurs documents d’urbanisme, soumettre les ENR à des conditions.

6) Quel est le rôle dévolu au référent préfectoral ?

Il s’agira le plus souvent d’un sous préfet en fonction, n’ayant aucun aucun pouvoir décisionnel dans les ZADER.

a) Il peut accompagner les communes pour identifier les ZADER

b) Il transmet la cartographie au Comité Régional de l’Energie

c) Il consulte la conférence territoriale départementale des EPCI

d) Il arrête la cartographie des ZADER au niveau du département si le CRE a donné un avis constatant que les objectifs régionaux sont tenus, mais uniquement après avis conforme des communes concernées

e) Il demande aux communes de la Région l’identification de nouvelles ZADER si les objectifs régionaux ne sont pas atteints

f) Il transmet au comité régional de l’énergie les zones d’accélération complémentaires

g) Il arrête la cartographie au niveau du département après nouvel avis du CRE, mais après avis conforme des communes concernées. La loi ne prévoit pas qu’il puisse refuser d’arrêter cette cartographie départementale si le second avis du comité régional de l’énergie était toujours défavorable pour cause de non atteinte des objectifs régionaux.

h) Il transmet la cartographie arrêtée et les avis émis au ministre, aux communautés de communes et aux communes.

7) Quel est le rôle des gestionnaires des aires protégées, des grands sites de France et des parcs naturels régionaux (PNR) ?

a) Pour les aires protégées et les grands sites de France, la ZADER est identifiée après avis du gestionnaire

A priori, il s’agit d’un avis simple, donc non bloquant.

b) Pour les PNR, la ZADER est identifiée EN CONCERTATION avec le syndicat mixte gestionnaire du parc

Le notion de concertation, implique théoriquement une co-construction, toutefois il n’y aura concertation que pour les parties de la commune incluses dans le PNR. L’important est donc pour les PNR qui ne voudraient pas d’éolien, de réviser le cas échéant leurs chartes, et de rester sur cette position dans le cadre de la concertation avec les communes.

Si le périmètre du PNR est mis hors ZADER, les promoteurs ne l’investiront théoriquement pas pour les raisons sus énoncées. Mais pour plus de sécurité, on peut envisager que le syndicat gestionnaire de PNR opposé à l’éolien, incite la commune à ériger le périmètre communal inclus dans le parc, en zone d’exclusion règlementaire. 

8) Quels seront les effets des ZADER homologuées ?

a) Comme on l’a vu, le promoteur n’a pas l’obligation d’y installer son projet. Il y a cependant un intérêt ( bonus tarifaire compensant les pertes de productible + procédure accélérée ), et s’il décide néanmoins de s’installer hors ZADER, il devra mettre en place un comité de projet.

b) Même si l’on peut reporter les ZADER dans les documents d’urbanisme ou de planification, elles ne deviendront pas pour autant obligatoires.

c) Si la ZADER a été homologuée alors que les objectifs régionaux d’ENR sont respectés, la loi donne la possibilité aux communes d’insérer des zones d’exclusions dans leurs documents d’urbanisme et de planification. Ces zones seront opposables juridiquement, et elles sont désormais possibles pour toutes les ENR.

Et il faudra évidemment distinguer la situation des communes disposant d’un PLU/PLUI ou d’une carte communale et les autres …

Une ZADER, 20 ans après (photomontage)

En conclusion

Les ZADER sont clairement destinées à favoriser les implantations d’ENR dans le respect des objectifs régionaux définis par les SRADDET et bientôt par un décret qui déclinera les objectifs de la PPE dans les Régions.

Les communes disposent d’un pouvoir non négligeable, celui d’élaborer et d’approuver au final une ZADER sur son territoire en la composant comme elle l’entend, ou même de la refuser.

Elle pourront aussi, si les objectifs régionaux d’ENR sont atteints, créer des zones d’exclusion opposables aux futurs demandes dès leur inclusion dans les PLU/PLUI, cartes communales et SCOT…

Nous recommandons toutefois d’utiliser dès à présent, et sans attendre la définition des ZADER, la possibilité de soumettre les éoliennes ( et maintenant toutes les ENR ) à conditions d’implantation. Cela permettra de se prémunir pour l’avenir, car le but du gouvernement est de réviser les ZADER tous les 5 ans en les adaptant à l’augmentation incessante des implantations d’ENR.

En effet, la création de zone sous conditions est INDEPENDANTE de la création des ZADER et du respect des objectifs régionaux en matière d’ENR.

Tabler uniquement sur les zones d’exclusion, suppose de jouer le jeu du gouvernement et d’accepter les objectifs régionaux actuels déjà délirants, ainsi que la fuite en avant dans les années qui viennent. Cela suppose aussi d’accepter le risque découlant du non respect des objectifs par les communes ou départements voisins.

La complexité et les effets pervers de la loi permettent, avec réflexion et bon sens, de l’utiliser contre les desseins de leurs auteurs.

Soutenons nos élus dans l’exercice de leur mandat !

Vent du milan

contact@ventdumilan.org

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