Témoignage de Pascale Durand, Agricultrice en Ile et Vilaine ( 35)
Mon nom est Pascale Durand, je suis agricultrice. Notre ferme est située à 1 kilomètre du centre de Crévin. Mon mari s’est installé sur l’exploitation de ses parents en 1993, et je l’ai rejoint en 1996.
Nous avons 60 vaches laitières. Jusqu’en 2017, nous n’avions aucun problème avec nos bêtes, les saisons s’écoulaient, tranquillement.
Puis un parc éolien a été installé en Avril 2017 à 1,3 kilomètres de notre ferme. Cinq éoliennes ont vu le jour, sur la commune du Petit Fougeray. D’autres parcs seront bientôt construits autour de nos habitations : depuis ma fenêtre, les promoteurs ont planté mât de mesure pour 3 nouveaux aérogénérateurs.
Les problèmes ont commencé immédiatement après la mise en service des premières machines : notre ferme est située sur une faille d’eau qui court en souterrain jusque dans le sous-sol parc éolien. L’électricité s’y engouffre. Concrètement, dans notre ferme, les bêtes et les hommes ont les pieds sur des niveaux d’électricité qui ne sont pas acceptables pour notre santé. Le problème s’aggrave dès que les machines se mettent à tourner. Aux alentours, les plaintes des riverains se multiplient : maux de tête, acouphènes : nous sommes capables de savoir si les aérogénérateurs sont en marche sans savoir à mettre le nez dehors pour le vérifier.
Lorsque le temps est mauvais, les vaches sont agitées, elles refusent de se coucher. En salle de traite, elles se débattent dans les quais, tapent avec leurs pattes sur le sol comme pour essayer de ne plus le toucher.
Nous avons des décès, les jeunes génisses sont les plus impactées
L’un de mes animaux a terminé sa vie sur les genoux, avec du sang dans les pattes. Il y a des boiteries, des mammites, des morts par hémorragie. Dans la stabulation que nous avons en contrebas, là où il y a le plus de failles d’eau, la situation est grave : certains veaux qui naissent ne sont pas viables : leurs yeux sont tout blancs, ils ne tiennent pas sur leurs pattes, certains ne vivent que quelques heures. Le vétérinaire ne parvient pas à donner d’explication.
Eté comme hiver, lorsqu’il y a du vent et que le climat est humide, je constate l’augmentation des cellules présentes dans le lait de mes vaches. Ces cellules sont un indicateur de stress et de mauvaise santé. Entre un jour sec et un jour de pluie, la différence est du simple au double : j’enregistre environ 233 par temps calme, et plus 500 quand il y a du vent. C’est donc bien au-dessus de la moyenne autorisée qui est de 250 pour 4 ou 5 échantillons. Bien entendu, la société qui collecte notre lait nous a mis des pénalités, et nous avons également reçu des courriers indiquant que si les choses ne rentraient pas dans l’ordre, ils ne prendraient plus notre lait.
Depuis 2017, nous avons tout fait pour alerter : nous avons contacté l’école vétérinaire de Nantes, le GPSE (Groupement pour la sécurité Electrique ).
Nous avons fait venir de très nombreux géobiologues. Ceux-ci ne sont pas reconnus scientifiquement, pourtant les promoteurs les utilisent également pour leurs études des sols avant installation des machines. A chaque passage d’un géobiologue, on constate quelques améliorations, mais au bout de quelques jours ou quelques semaines les problèmes reviennent. Nous avons également cherché toutes les failles d’eau dans notre sol, observé là où l’électricité pouvait s’engouffrer. Pour tenter de protéger nos bêtes, nous avons réalisé une grande tranchée de 200 mètres de long et presque deux mètres de profondeur, nous avons placé des bâches à l’intérieur, pour isoler.
Mais peut-on réellement lutter contre la force des courants ?
J’en doute. Le nombre des machines et leur puissance est bien trop important. C’est un peu comme si on construisait un barrage contre le Pacifique. Quoi que nous fassions, le fléau revient toujours.
Les promoteurs n’ont rien fait pour nous aider, et certains géobiologues ont eu une attitude ambiguë : ils nous ont dit « C’est vous qui êtes impactés, ce n’est pas à vous de payer, le promoteur éolien doit agir ! »
Nous avions confiance
Malheureusement, ils tenaient un double discours, ils étaient à la solde des fabricants éoliens. Ces spécialistes ont fourni aux promoteurs des photos prises chez nous à votre insu, alors nous avons déchanté. Aujourd’hui nous nous sentons très seul. Pour nous enfoncer, et prouver que le problème venait de nous, l’un d’eux est allé jusqu’à photographier un boitier électrique défectueux sur une clôture, et un puits artésien, présent sur notre terrain depuis toujours …Voilà les arguments qu’ils ont fournis pour rejeter la faute sur nous. Les machines font plusieurs centaines de mètre de haut, il y a une centrale électrique à proximité, les failles d’eau rejoignent notre ferme, mais non, c’est la faute d’un puits ancestral et d’une pauvre clôture.
Bien sûr, nous avons demandé au promoteur de nous fournir les résultats de leur production électrique, afin de les placer en face de nos relevés laitiers, et de prouver nos dires : nous voulions démontrer que lorsque les machines tournent, la santé de nos vaches est catastrophique. Mais le promoteur a toujours refusé de nous fournir quoi que ce soit en prétextant que, d’après l’étude des géobiologues, ils étaient mis hors de cause. Un rapport a été rendu dans notre dos, et on s’est bien gardé de nous le présenter.
Un député a essayé de nous aider, il a tenté de faire remonter les éléments au gouvernement, il a voulu contacter les promoteurs, il a lui aussi été débouté.
On nous répond qu’il faut bien fabriquer de l’électricité
Nous avons porté plainte à la préfecture qui nous répondu deux ans après sous la pression du député que nous avions sollicité.
Aujourd’hui, notre élevage est condamné, mais nous essayons de tenir car nous voudrions réussir à prouver ce que nous subissons : nous ne sommes pas les seuls dans cette situation : Sioux Berger a recensé de nombreux cas dans toute la France. A chaque fois, on retrouve les mêmes causes : problèmes de champs magnétiques et infrasons, véhiculés par le sol ou par les airs. Entre victimes on essaie de s’entraider, mais c’est dur. C’est un combat difficile.
Chers éleveurs, chers agriculteurs, si un parc est en construction près de chez vous, je ne peux que vous conseiller de faire un état de votre exploitation avant la mise en route des machines. Faites-le viser par un huissier. Ensuite, si votre troupeau est impacté, il sera trop tard, vous n’aurez plus que les yeux pour pleurer. Nous sommes le pot de terre contre le pot de fer : nous sommes les gênants, et nos bêtes sont les témoins d’un désastre écologique sans précédent, alors mieux vaut qu’elles disparaissent, et nous avec.
Témoignage recueilli par Sioux Berger
Janvier 2024.
En savoir plus sur l’ensemble des témoignages recueillis par Sioux Berger : Le prix Du Vent, éditions du Rocher, Sioux Berger.
https://www.librairiesindependantes.com/…/9782268107899/
https://www.fnac.com/a17150108/Sioux-Berger-Le-prix-du-vent
Les Pentes, Sioux Berger
2 Commentaires
Bonjour,
avez vous fait un bilan concernant les nuisances sur votre ferme ?
le serrage de toute l installation electrique et des moteurs;
Avez vous determine quels moteurs pouvaient rayonner sur votre elevage.
Quand vous aurez tous verifier;
Appeler moi, je vouis expliquerai.
En premier lieu je veux vous remercier pour les témoignages et informations qui facilite la compréhension des effets néfastes. J’aurais une question concernant les glissements de terrains. Est ce que des expériences d’accéleration de la fréquence ou de l’intensité des glissements ont été constaté