Ces trois affaires qui agitent les campagnes en Corrèze
Attribution de terres agricoles en Corrèze, trois affaires agitent le monde agricole corrézien. Au cœur du débat, l’agrivoltaïsme soutenu par la Foncière rurale et l’attribution des terres par la Safer.
Le syndicat Modef, qui dénonce un « accaparement » des terres, a écrit à la ministre de l’Agriculture.
L’attribution des terres agricoles reste un sujet délicat en Corrèze. Trois dossiers agitent le monde agricole. Décryptage.
L’étincelle : la Foncière rurale
À l’origine, la création d’une Foncière rurale par l’ancien président de la chambre d’agriculture, Tony Cornelissen, fidèle de la FDSEA. Le but : proposer aux agriculteurs d’investir 3.000 euros pour rentrer dans cette SAS (société par actions simplifiées), implanter des panneaux photovoltaïques sous la forme d’agrivoltaïsme, c’est-à-dire avec une activité agricole sous les panneaux, et partager les revenus issus de la revente d’électricité.
Pour ce faire, la Foncière se porte candidate auprès de la Safer pour racheter des terres agricoles et y installer un agriculteur.
La discorde : attribution de terres agricoles à Pompadour, Viam et Beaumont
Certains élus et syndicats ainsi que des candidats à l’installation, des comités de défense s’opposent fermement au rachat de terres agricoles par la Foncière rurale estimant, entre autres, que les panneaux photovoltaïques doivent rester, éventuellement sur les toits, mais pas au sol ; que les terres agricoles doivent rester nourricières.
Ainsi, à Viam, le Modef, la Confédération paysanne et quelques habitants dénoncent l’avis favorable donné à la Foncière par le comité technique de la Safer.
Plus récemment à Beaumont, où la Foncière voulait mener un projet, la municipalité a lancé la fronde, arguant elle aussi d’un projet pour l’agriculture. La Foncière a alors proposé à la municipalité (et à la Safer) un partage des terrains concernés. Deux lots à la municipalité, un lot à la Foncière. Proposition à laquelle la Safer a émis le 31 octobre un avis favorable. Pour autant, la municipalité de Beaumont poursuit son projet.
Troisième dossier, celui d’une propriété à Arnac-Pompadour rétrocédée à la Foncière ; dossier sur lequel s’appuie le Modef pour accuser la Foncière de faire grimper les prix des terres agricoles. « Les chiffres que donne le Modef dans sa lettre à la ministre sont faux », rétorque sobrement la Safer.
L’actu : un courrier à la ministre
C’est dans ce contexte que le syndicat de gauche, le Modef, proche du Parti communiste, vient d’écrire à la nouvelle ministre Annie Genevard pour l’alerter sur le danger de voir « l’agriculture corrézienne rentrer de plain-pied dans un capitalisme sans foi ni loi ».
Le Modef, comme d’autres opposants, accuse clairement la Safer de favoritisme et de « ne pas répondre à ses missions ». Il est demandé à la ministre Genevard « de saisir les commissaires du gouvernement afin de contrôler les activités et la gestion de la Safer Corrèze. Le Modef qui parle de « complicité », de « manœuvre », de « pratiques douteuses » pointe le fait que le directeur de la Safer fait partie du conseil de surveillance de la Foncière rurale. Elle s’abstient en revanche de préciser que la maire de Beaumont, Sophie Roy, est par ailleurs animatrice au syndicat le Modef.
De son côté, la Foncière joue collectif
De son côté le président de la Foncière, Tony Cornelissen, déplore un procès d’intention et des « mensonges » du Modef. Il fulmine aussi à l’idée que de grands groupes industriels viennent séduire les agriculteurs locaux « avec de belles promesses envoûtantes », « alors que le but de la Foncière, qui est une structure solidaire et collective, c’est justement de créer pour les agriculteurs un revenu complémentaire à l’heure où ils sont nombreux à mal vivre de leur métier ».
Pour lui, des revenus complémentaires qui permettront aux agriculteurs de le rester. Et il signale qu’à ce jour, « 8.000 ha sont gelés par les promesses » de ces grands groupes.
Au milieu, la Safer se défend
Du côté de la Safer, on réfute les accusations reprises par le Modef auprès de la ministre. Elle met en avant la composition extrêmement large des comités Safer dans les départements et insiste sur la démocratie qui y règne. Le directeur de la Safer Nouvelle Aquitaine, Philippe Tuzelet, rappelait récemment dans nos colonnes que « les décisions se prennent selon le principe une personne-une voix et que 90 % des décisions sont prises à l’unanimité ».
Depuis des mois, des accrochages qui s’enchaînent
Ces dernières semaines, la Foncière s’est engagée dans une série de rencontres avec les élus des communautés de communes en Corrèze. « Pour pouvoir expliquer sans tromperie ce que l’on veut faire ». Toutefois, la dernière réunion, début octobre, où devait se tenir cette présentation, à Treignac, a fait l’objet d’une manifestation conduite par le Modef et la Confédération paysanne. Tony Cornelissen avait, lui, préféré différer son intervention.
En juillet à Tulle, une quarantaine d’adhérents du Modef avait perturbé une réunion du comité technique de la Safer consacré au dossier de Beaumont.
Le tout, dans un contexte électoral pas anodin
Cette opposition frontale n’est-elle pas essentiellement politique ? Loin des intérêts collectifs des agriculteurs ? Certains le pensent. C’est en tout cas, à trois mois des élections à la Chambre d’agriculture, un affrontement entre deux visions de l’agriculture au sein de deux mondes qui se tutoient mais ne s’aiment pas beaucoup.
Arnaud Besnard
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