Auvergne : Pourquoi avons-nous tant de sites Natura 2000 ?

Illustration. © eveil

Le réseau Natura 2000 répond à la nécessité de préserver la biodiversité à l’échelle européenne. Savez-vous exactement à quoi correspondent les sites ? Plus de la moitié de vos communes sont concernées !

Les années 1990 n’avaient pas encore répandu le langage et les usages du développement durable dans les territoires.

C’était hier. On posait tout juste les bases de ce qui fait aujourd’hui figure de « plus grand réseau écologique du monde », le réseau Natura 2000.

Les pionniers se souviennent des premières terres d’actions, où l’on tentait de faire dialoguer des passionnés partis la fleur au fusil sauver les espaces encore sauvage et des intérêts très divergents.

C’était gonflé. Mais la greffe a pris. Vingt-cinq ans plus tard, le Journal officiel continue à publier de nouveaux périmètres Natura 2000 et ce sont les collectivités ou groupements de propriétaires qui viennent eux-mêmes se placer sous la protection du label.

Le réseau touche 738 communes auvergnates

Aujourd’hui, 391.700 hectares, soit 15 % des quatre départements auvergnats, sont classés.

Traduit en découpage administratif, cela fait 738 communes concernées, soit plus de la moitié des municipalités (57 %) engagées plus ou moins largement dans le réseau, et 90 % des EPCI.

Il y a tant de sites Natura 2000 que l’on en finirait presque par oublier par quoi et pourquoi ils fonctionnent. Et même à quoi riment ces décrets de création qui continuent à paraître au Journal officiel.

1.  C’était hier : penser nature à l’échelle européenne.

Le début des années 1970 marque un tournant, en France et partout en Europe, avec une volonté nouvelle de protéger la faune et la flore. La notion d’espèces protégées apparaît. Cela se traduit par quelques directives fondatrices. Mais l’Europe se rend vite compte que protéger les espèces ne suffira pas si l’on ne s’intéresse pas, aussi, aux habitats qui se dégradent rapidement.

En 1992, L’Union européenne publie donc la directive habitats. Elle définit un cadre commun aux états membres pour la « conservation des habitats, des plantes et des animaux d’intérêt communautaire ».

Ainsi naît le réseau Natura 2000 tel qu’on le connaît. Constitué de zones spéciales de conservation (ZSC) désignées par les états membres en vertu de la directive habitats et de zones de protection spéciale (ZPS) instaurées en vertu de la directive oiseaux de 1979.

2.  Débuts français difficiles.

Le dispositif européen ne se traduit en droit français qu’en 2001.

La perspective de nouveaux périmètres effraie parfois les Français : ils connaissent déjà les réserves et leurs cohortes de contraintes. « Mais la vraie révolution de Natura 2000 a consisté à mettre autour de la table des gens qui ne se parlaient pas toujours ; sous l’égide du préfet et sans objectifs chiffrés pour la couverture du territoire », précisent Pierre Tabourin et Sylvain Marsy, chargés de mission à la Dreal Auvergne Rhône-Alpes.

Dès 1998, en Auvergne, le massif cantalien, les monts du Forez et les monts Dore font office de sites pilotes. Suivis par d’autres, ils commencent à travailler sur des chartes et des plans de gestion au rythme des crédits accordés

En fonction des secteurs à protéger qui ont pu faire l’objet d’une concertation locale, ces périmètres sont proposés par les préfets aux ministres. Lesquels doivent signer un arrêté de désignation pour notification à l’Europe. Et là, le processus a pu connaître des lenteurs. Ce qui explique l’apparition, en 2015 et 2016 encore, de désignations au Journal officiel pour des sites qui fonctionnent… depuis des années !

3.  Aujourd’hui, on affine les zones au plus près.

Aujourd’hui, vu de l’échelon européen, le réseau est jugé suffisant pour la préservation des espèces dans la région.

En Auvergne, il existe 83 sites fonctionnels au titre de la directive habitats (dont quatorze encore en cours de validation par arrêté) et douze au titre de la directive oiseaux.

Un peu partout, l’heure est désormais à renouveler les documents d’objectifs et affiner le maillage géographique en fonction de la dynamique des espèces visées. Ainsi, en Auvergne plusieurs sites linéaires dédiés à une espèce précise (moules, loutres…) sont appelés à évoluer vers un rattachement à d’autres sites. Exemple avec l’immense site « Rivières à écrevisses », qui a été retravaillé pour que des habitats sensibles d’écrevisses à pattes blanches soient rattachés au site « Gorges de la Loire et affluents ». Plus simple à animer, ce dernier couvre désormais tout un réseau de cours d’eau sensibles.

Le pilotage et ses règles

La gestion.

Les directions régionales de l’environnement (Dreal) assurent le pilotage général. Les directions départementales des territoires (DDT) s’occupent du suivi local et des outils contractuels. Le portage politique, l’animation et la mise en œuvre des objectifs sont confiés à des structures porteuses (avec un comité de pilotage composé d’élus, usagers, porteurs de projets et autres représentants du tissu local). Depuis 2007, la loi permet aux collectivités locales de prendre la présidence de ces comités en lieu et place de l’État. En Haute-­Loire, tous les sites sauf un sont ainsi pilotés. 

Animation. 

Chaque site fait l’objet d’un document d’objectif qui décrit le projet et les activités : le Docob. C’est un outil de travail non opposable aux tiers, mais il faut en tenir compte dans les schémas d’aménagement de la gestion de l’eau, qui le sont. De même, une municipalité qui voudrait revoir son plan local d’urbanisme. Les sites Natura 2000 peuvent autoriser tous types de projets qui auront dé­ montré l’absence d’impact négatif sur les espèces ou habitats visés, ou pris les mesures nécessaires pour les rendre acceptables. 

Financement.

Les sites ont accès à des financements : au titre de l’écologie (ministères de l’Écologie ou de l’Agriculture et fonds européens) et pour leur animation (mesures proposées notamment pour soutenir des gestes agro environnementaux ou la restauration des milieux).

• Initiative locale dans le Cantal

Le réseau Natura 2000 est un bouclier sous lequel des élus ou des collectifs locaux prennent parfois l’initiative de venir s’abriter. À la Dreal (direction ré­gionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) Auvergne-Rhône-­Alpes, on prend volontiers l’exemple des « vallées et coteaux thermophiles de la région de Maurs » (Cantal), dont l’une des principales originalités consiste à être nées sur proposition des acteurs locaux et des propriétaires de terrains eux-mêmes ; tous soucieux de préserver un cortège de trente­trois espèces d’orchidées – « unique en Auvergne » – et la seule station auvergnate abritant le plus grand lézard de France, le lézard ocellé.

Très sèches et peu à peu abandonnées par l’élevage, les anciennes prairies à moutons se refermaient sous la broussaille, mena­çant les populations d’orchidées.

Les locaux ont pensé à la démarche Natura 2000. « Il s’agissait surtout de veiller à la poursuite des modes de gestion des terrains concernés, qui avaient permis jusqu’alors la préservation de ces milieux » rappelle le document d’objectif, dont la rédaction fut confiée au Centre permanent d’initiative pour l’environnement (CPIE) de haute Auvergne.

Entre autres actions et collaboration possibles, les propriétaires ont pu signer des « contrats Natura 2000 » afin que les efforts des uns ou des autres soient compensés par des moyens financiers et épaulés par le Conservatoire des espaces naturels d’Auvergne et le Conservatoire botanique national Massif Central. Depuis 2010, la commune de Saint-­Santin-­de-­Maurs porte le site. C’est ainsi que des aménagements ont pu être réalisés pour remettre les espaces en pâture et pré­server des corridors boisés pour le lézard ocellé.

• Usages réconciliés sur les crêtes

C’est l’un des premiers en Auvergne. Lui aussi est piloté par une collectivité, en l’occurrence le Parc naturel régional des Volcans. Identifié dès 1998, le site Natura 2000 des monts Dore a fait l’objet d’un premier document d’objectif validé dès l’an 2000. Pourquoi ?

D’abord pour ses pelouses d’altitude, ses tourbières, ses mégaphorbiaies, ses hêtraies subalpines et prairies humides : « Seize habitats d’intérêt européen sont recensés sur le site… À quoi vient s’ajouter une diversité d’espèces très importante, dont neuf d’intérêt communautaire. » Ensuite, parce qu’il était impossible de mettre sous cloche plus de 7.000 hectares de crêtes touristiques et de terres d’estives !

Deux réserves naturelles nationales (Chaudefour et Chastreix­Sancy) imposent déjà des restrictions fortes. Sous la bannière de Natura 2000, l’enjeu consistait plutôt à mettre en cohérence les usages, les acteurs locaux et la pré­ servation d’habitats ciblés.

Un nouveau document d’objectifs concerté a été validé pour 2014/­2019. Sur cette période, un budget prévisionnel estimé à 1,9 million d’euros sur six ans permet d’envisager des études pour améliorer la connaissance des milieux et des espèces ; des mesures de gestion pour adapter des pratiques (agricoles, forestières…) ou mettre en œuvre des actions précises en faveur des habitats et espèces ; l’appropriation locale de la démarche ; des animations.

Et surtout, deux gardes nature ont pu être embauchés pour concilier les usages

CHIFFRES ET STATISTIQUES LOCALES

Près de 440.000 hectares

 En Auvergne, 95 sites Natura 2000 concernent environ 440.000 hectares, soit plus de 15%du territoire. Les sites dits de protection spéciale pour les oiseaux sont les moins nombreux (douze) mais les plus vastes (321.000 ha). 

Majorité de terres agricoles

63,3 % des périmètres Natura 2000 concernent des terres agricoles (49%pour l’ensemble du réseau). Suivent les forêts, 27 % (37 % réseau) ; landes/milieux rocheux, 5,2 % ; milieux artificialisés, 2,1 %. (Source Dreal 2015) 

Le pilotage par département

Aujourd’hui, cinquante sites sont portés localement par dix-huit collectivités, mais le transfert de responsabilité à l’État et l’appropriation par le tissu local varie. Elle est très importante en Haute-Loire où le département est très présent au pilotage (plus qu’un site sous pilotage de l’État). Dans le Puy-de-Dôme, seuls les parcs naturels régionaux (Volcans, Livradois-Forez) ont pris cette compétence. Dans le Cantal, on trouve plusieurs communautés de communes, des communes, un syndicat. Enfin, l’État est très majoritaire dans l’Allier. 

Contrats et financements

Premier outil d’animation, les contrats Natura 2000 (avec les CEN, des communes, syndicats, parcs naturels, LPO, ONF et opérateurs privés) étaient passés de 7 (2003-2007) à 40 (2007-2013, 1,8 million engagé). Depuis, les projets se sont accumulés, faute de pouvoir activer le dispositif, mais la contractualisation doit redémarrer cette année. 

Près de chez vous ? 

 Vos sites : auvergne-rhone-alpes.developpementdurable.gouv.fr/etat-des-lieux-du-reseau-natura-2000.

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