Contribution du Cercle d’Etudes Réalités Écologiques et Mix Énergétique (Cérémé) à la consultation citoyenne sur la future Politique Pluriannuelle de l’Energie PPE (2024-2035) ouverte jusqu’au 22 décembre 2023.

Ministère de l’Environnement

Synthèse PPE 2035

Par rapport à la dernière PPE, la stratégie énergie-climat présentée dans le dossier soumis à la consultation du public comporte plusieurs avancées (relance du nucléaire, développement des énergies renouvelables pilotables, notamment) que le Cérémé salue.

Toutefois, nous déplorons que :

  • Le ministère de la transition énergétique n’ait joint aucune évaluation environnementale au dossier soumis à la consultation du public alors même que la loi l’y oblige ;
  • Les objectifs de cohésion sociale et territoriale ainsi que de préservation de la santé humaine et de l’environnement n’aient pas été pris en compte pour rédiger cette stratégie énergie climat ;
  • Les objectifs de réduction de la consommation d’énergie ne soient assortis d’aucun plan d’action précis ;
  • Les objectifs de développement de l’éolien terrestre fixés dans le dossier soient très supérieurs aux engagements pris par le Président de la République à Belfort, alors que rien ne le justifie, ni sur le plan climatique, ni sur le plan économique ;
  • Le potentiel de développement du nucléaire et des énergies renouvelables thermiques n’ait pas été pleinement optimisé.

Au total, le Cérémé demande au Gouvernement de réajuster sa stratégie énergie-climat et se tien à sa disposition pour lui présenter ses propositions en la matière.

Stratégie française pour l’énergie et le climat

I- Le ministère n’a joint aucune évaluation environnementale au dossier soumis à la consultation du public, alors que la loi l’y oblige

En vertu de l’article L. 122-4 du code de l’environnement, les plans et programmes relevant du domaine de l’énergie doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale. En droit européen, la directive 2011/42/CE prévoit, de surcroît, que les Etats membres sont tenus de mettre à disposition du public l’évaluation environnementale ainsi que les conclusions qu’ils en retirent.

Or, dans le dossier qui a été soumis à la consultation du public, il n’est mentionné à aucun moment que la stratégie française énergie climat a fait l’objet d’une évaluation environnementale, que ce soit par l’Autorité environnementale ou par toute autre institution.

L’Autorité environnementale indique pourtant sur son site internet qu’elle a été saisie le 4 septembre dernier d’une demande d’avis relatif à un dossier intitulé : « programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et schéma régional biomasse (SRB) de la Corse ».

En effet, contrairement à ce que laisse entendre le dossier soumis à la consultation du public, la protection de l’environnement ne se borne pas à des objectifs de décarbonation, elle concerne l’ensemble des intérêts mentionnés à l’article L 511-1 du code de l’environnement.

Afin que le public puisse se prononcer en connaissance de cause sur l’impact environnemental de la stratégie française énergie-climat et que les modalités de cette consultation soient conformes au droit en vigueur, le Cérémé demande donc au ministère de la Transition énergétique de publier d’une part l’évaluation environnementale, d’autre part l’avis de l’Autorité environnementale et de présenter les conclusions qu’il tire de celui-ci, en prolongeant les délais de la consultation du public.

II- Le dossier soumis à la consultation du public repose sur une méthodologie incomplète

L’article 100-1 du code de l’énergie fixe à la politique énergétique de la France sept grands objectifs : la compétitivité de l’économie française et la création d’emplois, la sécurité d’approvisionnement, la maîtrise des coûts, la lutte contre la précarité énergétique, la contribution à la politique européenne de l’énergie, la préservation de la santé humaine et de l’environnement ainsi que la garantie de la cohésion sociale et territoriale.

Or, il ressort du dossier soumis à la consultation du public, que le ministère de la transition énergétique n’a nullement tenu compte des objectifs de préservation de la santé humaine et de l’environnement ainsi que de garantie de la cohésion sociale et territoriale pour élaborer sa stratégie climat. Or, il nous parait nécessaire de prendre également en compte ces deux objectifs pour bâtir une politique énergétique équilibrée, qui engage la France pour les décennies à venir.

La prise en compte de l’objectif de garantie de la cohésion sociale et territoriale aurait, par exemple, très probablement réduit les ambitions gouvernementales en matière d’éolien terrestre, cette technologie étant rejetée par 60% des populations vivant dans des zones rurales (Opinion Way, 2022).

Quant à l’objectif de sécurité d’approvisionnement et de réduction de la dépendance aux importations, s’il apparaît clairement pour sa première composante au travers notamment de solutions de type STEP, flexibilités de production hydrogène, les objectifs opérationnels associés à sa deuxième composante apparaissent, en revanche moins clairs. Certes il est écrit que « Le scénario présenté dans ce document prévoit que la France couvre 100 % de ses besoins en électricité tout en renforçant ses interconnexions électriques », mais il ne semble pas qu’il ait été retiré de ce 100% un objectif de réduction à un niveau suffisant de l’ambition initiale (39 GW d’interconnexions en 2050 contre 15 GW actuels) qu’affiche RTE dans ses Futurs énergétiques 2050.

Le Cérémé demande donc au Gouvernement d’intégrer pleinement à sa réflexion l’ensemble des 7 grands objectifs fixés par le législateur à la politique de l’énergie et de revoir sa stratégie à l’aune de ceux-ci.

III- Les objectifs de réduction de la consommation énergétique et leur calendrier sont insuffisamment étayés

a) Ces objectifs sont essentiellement décrits par un graphique figurant en p.28, sans que des plans d’actions complets leur soient associés

Le graphique de la page 28 répartit jusqu’en 2050 les consommations finales par vecteurs. Mais cette information est insuffisante pour se forger un véritable avis puisque les enjeux de réduction de consommation et les plans d’actions qui leur sont associés ne sont décrits que sur seulement deux pages (à l’exception du sujet des certificats d’économies d’énergies, qui n’est pourtant pas central).

Stratégie Française Energie Climat 2050 figure 3 page 28

Le ministère reconnait d’ailleurs lui-même que plusieurs éléments pourtant essentiels manquent au dossier présenté à la consultation du public, en se référant à plusieurs reprises à « un projet de SNBC qui sera soumis à consultation dans les prochaines semaines. ». Il en résulte que « les chiffres de consommation et de production de biomasse font l’objet de modélisations en cours de finalisation, dans le cadre la préparation de la SNBC, qui pourront conduire à réviser les trajectoires ci-dessus. ».

Au total, le ministère reconnaît donc que le dossier présenté au public n’est pas abouti, alors qu’il devrait marquer une cohérence parfaite entre les objectifs et les plans d’action qui leur sont associés.

b) la modélisation à 1209 TWh dès 2030 ne prend pas en compte l‘impératif de réindustrialisation.

Certes, à la p. 41, il est écrit que « Ces modélisations intègrent un scénario de réindustrialisation, qui permet de baisser l’empreinte carbone française et européenne, mais qui augmente aussi mécaniquement les consommations d’énergie sur le territoire national de l’ordre de 50 TWh. ». Mais en p. 92 il est écrit que « La décarbonation de l’industrie et la réindustrialisation requièrent une augmentation conséquente de la production d’électricité (+60 TWh à horizon 2030) … Cela implique toutefois que l’ensemble de notre système énergétique puisse soutenir cette trajectoire de réindustrialisation, qui engendrera notamment des besoins accrus en électricité bas carbone … ». Le propos qui suit ne permet pas d’affirmer que le scénario à 1209 TWh intègre la réindustrialisation.

En fait, nulle part il n’est présenté un graphique intégrant une variante réindustrialisation, et – sous le couvert d’une pratique discursive suggérant le contraire – les 1209 TWh visés n’intègrent pas le scénario de réindustrialisation.

Ils l’intègrent d’autant moins que les effets de la trajectoire de réindustrialisation mentionnés en fin du dossier se bornent au vecteur électrique, contrairement au scénario du Cérémé, et que ce niveau de 1209 TWh en 2030 n’est pas cohérent avec le tableau figurant en p. 28.

c) Le dossier ne présente aucun graphique de consommation finale d’énergie par secteur.

A l’exception de la biomasse p. 87.

Consommation biomasse par secteurs page 87

Si ce graphique (réparti résidentiel, transports, industrie, agriculture) essentiel à la compréhension du public existe, il doit lui être présenté.

d) le développement des flexibilités décarbonées est -il une solution à la hauteur des enjeux ?

L’hiver 2022-2023 a montré qu’il était possible de jouer, dans une certaine mesure, sur les flexibilités de la demande et de la production, notamment d’électricité. Il convient donc de poursuivre dans cette voie, et le Cérémé approuve cette option.

Toutefois, deux questions subsistent :

  • Ne manque-t-il pas au dossier des « objectifs précis à inscrire dans la PPE 3 relatifs aux flexibilités et au devenir du parc thermique » ? Il est expliqué p. 74 qu’ils « feront l’objet d’analyses complémentaires sur la base du bilan prévisionnel de RTE », ce qui ne parait pas suffisant.
  • pourquoi le dossier introduit-il en p. 74 un changement subreptice majeur sur les utilisations du biogaz et de la biomasse ? Jusqu’à présent en effet, ces productions ne relevaient pas du vecteur électricité, comme il est écrit dans les Futurs Energétiques 2050 de RTE. Or il est mentionné p. 74 à titre de reconversion du parc thermique carboné actuel qu’il sera fait appel à « prioritairement, et de manière exclusive pour les centrales à charbon, la bascule à des combustibles décarbonés (biomasse, biogaz ou hydrogène) ». Le Cérémé demande que ce point soit clarifié, avec un chiffrage précis, au nom de la cohérence dans la durée des orientations politiques, toute incohérence étant de nature à nuire aux filières intéressées.
e) La faisabilité technico-économique des H2 et e-fuel n’est pas démontrée

Inscrire ces objectifs dans la SFEC 2050 et dans la PPE n’a de sens que si leur prix est acceptable, ce qui requiert pour le H2 qu’il soit produit par une électricité à la fois décarbonée durablement compétitive. Or, le dossier présume cette compétitivité mais sans la démontrer.

IV- Les objectifs de production d’énergies renouvelables sont fondés sur des postulats non démontrés, voire erronés

  1. Le postulat d’une compétitivité des énergies renouvelables

Il est mentionné que « En 2022 et 2023, après plus de 15 ans de soutiens publics à l’émergence d’énergies renouvelables, celles-ci sont pour la plupart devenues compétitives sur notre sol. ».

La compétitivité des énergies renouvelables, en particulier les électricités renouvelables intermittentes, n’est ici aucunement démontrée.

En outre, l’intermittence des électricités éoliennes et solaire conduit inéluctablement à des coûts d’investissements complémentaires dans des capacités pilotables pour pallier les périodes durant lesquelles il n’y a ni suffisamment de vent, ni suffisamment de soleil.

Le Cérémé invite le ministère à se référer aux différentes études qu’il a consacré à ce sujet, qui démontrent que, bien au contraire, ces énergies ne sont non seulement pas compétitives aujourd’hui, en raison de leurs coûts complets de production élevés comparés à ceux du nucléaire français, mais (1) qu’elles n’ont, en outre, guère de chance raisonnable de le devenir, à moyen et long terme (2) .

  1. Le postulat de recettes fiscales supplémentaires générées par l’éolien

Il est mentionné que l’éolien a « généré 6,5 Md€ de recettes nettes supplémentaires dont 6,2 Md€ cumulés pour l’éolien terrestre au titre de 2022 et 2023. »

Cette affirmation est d’autant plus inexacte que le ministère ne pouvait ignorer, au jour de lancement de la consultation du public, la décision du Conseil Constitutionnel QPC du 26 octobre 2023 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231065QPC.html par laquelle celui-ci a annulé les dispositions règlementaires qui permettaient d’espérer obtenir des recettes fiscales supplémentaires de la part de la filière éolienne … laquelle a pourtant bénéficié de dizaines de milliards d’euros de subventions publiques pendant deux décennies !

  1. Des objectifs quantitatifs approximatifs

La mention en p. 49 du dossier (3) que « Ces objectifs hauts ne constituent pas pour autant des seuils indépassables. » démontre que les fourchettes d’objectifs annoncées en matière de développement des énergies renouvelables intermittentes ne reposent pas sur un bouclage technique précis.

V- La performance technico-économique des énergies intermittentes n’est pas démontrée

a) Eolien terrestre

La stratégie présentée au public prévoit de développer de 40 à 45 GW d’éolien terrestre d’ici 2035, alors même que lors de son discours de Belfort, le Président de la République avait annoncé un plafond en service de 37 GW d’ici … 2050 !

Or, rien ne justifie de rehausser nos ambitions en matière de développement de l’éolien terrestre et de vouloir accélérer celui-ci. Au contraire, en tenant compte des 10 GW de projets éoliens terrestres déjà acquis par la filière (100% des autorisés en attente de construction ou de raccordement, au moins 50% des projets en instruction accélérée) le parc éolien terrestre atteindra sous peu les 32 GW, soit un niveau très proche (delta de seulement 5 GW) de ce qu’il devrait atteindre en 2050 pour respecter l’engagement pris par le Président de la République à Belfort. Ces 5 GW pourraient être atteints sans susciter davantage de tensions dans les territoires, en recourant à des « repowerings » (augmentation de la puissance des équipements existants en fin de vie) de qualité environnementale acceptable.

b) Solaire

Le Cérémé approuve le développement d’un solaire photovoltaïque industriel « … en privilégiant le développement compétitif sur des espaces déjà artificialisés » :

  • Au sol : en privilégiant les sols déjà artificialisés ou présentant de moindres enjeux no tamment en termes de biodiversité (parkings, friches, délaissés routiers, autoroutiers, ferroviaires, etc.).
  • Sur bâtiment : des obligations ont été introduites dans la loi afin d’augmenter le nombre de bâtiments, neufs et existants, devant installer des panneaux photovoltaïques.
  • Sur des zones naturelles, agricoles et forestières : les installations ne pourront entrer en compétition avec la production agricole ou la gestion durable forestière … » Cette orientation est cohérente avec le recensement par l’Ademe, en 2019, d’un potentiel de 49 GW à ces différents titres, auxquels s’ajoutait un potentiel de 4 GW sur ombrières de parkings, soit un total de 53 GW représentant à soi seul la moitié de l’objectif présidentiel de Belfort en matière solaire.

Cependant le Cérémé désapprouve totalement la suite du propos concernant ces zones naturelles, agricoles, et forestières par les termes suivants « … Des projets d’agrivoltaïsme permettront en revanche d’apporter un service à l’activité agricole (adaptation au changement climatique, protection contre les aléas météorologiques, amélioration du potentiel agronomique ou encore bien-être animal). ».

Cet objectif ouvre la porte à une potentielle déstabilisation du monde rural et à des destructions intenses de biodiversité, sans parler de ses impacts paysagers.

En tout état de cause, cet objectif mériterait de faire l’objet d’une évaluation environnementale approfondie.

c) Eolien en mer

L’objectif de 18 GW qui prévoit « d’attribuer de l’ordre de 10 GW supplémentaires d’ici fin 2025, à l’issue de l’exercice de planification des quatre façades maritimes qui sera conduit entre fin 2023 et mi 2024. » est un pari audacieux.

Ce pari audacieux est aussi un pari hasardeux, compte tenu de la sous-estimation des enjeux environnementaux directs (fonds marins) et indirects (flux migratoires aviaires) de l’éolien en mer, sur lesquels la Commission européenne elle-même attire l’attention des pouvoirs publics (4).

Cet objectif est fondé sur une sous-estimation des coûts de production de l’éolien, a fortiori sur des scénarios qui seront de plus en plus éloignés des côtes et feront donc appel au très onéreux modèle flottant. Onéreux et non complètement maîtrisé au plan technique, une contrainte à laquelle s’ajoutent les difficultés financières de cette filière.

Le Cérémé considère qu’il n’y a pas de nécessité de se précipiter sur une solution aussi hasardeuse reposant en partie sur un facteur de charge moyen retenu par le ministère de 44,4 %, supérieur à la réalité connue de 38 à 40% dans notre pays au climat tempéré, étant rappelé qu’à chaque point de facteur de charge en moins il est attaché une réduction du productible d’environ 2 TWh et un surcoût de production d’environ 2€/MWh produit.

Au final, le Cérémé propose donc de tempérer fortement les capacités prévisionnelles en éolien en mer figurant dans le dossier, au bénéfice de capacités renforcées dans le programme nucléaire.

VI- Le potentiel des énergies bas-carbone et pilotables n’est pas optimisé

a) Nucléaire

Le Cérémé approuve l’option de remotoriser le parc existant que traduit la mention « Engagement du programme de travaux, porté par EDF, visant à augmenter la puissance disponible (uprating) et la production annuelle des réacteurs existants, dans le respect strict du cadre de sûreté actuel. »

Le Cérémé observe que le dossier ne met pas suffisamment en avant auprès du public les avantages décisifs du nucléaire et sa contribution massive à quatre objectifs figurant à l’article L 100-1 du code de l’énergie : une électricité totalement décarbonée, pilotable et donc concourant à la sécurité d’approvisionnement, compétitive et permettant un accès des ménages à une énergie à coût non excessif, et respectant l’environnement.

Le Cérémé désapprouve à ce titre l’orientation de prolonger à seulement 50 ou 60 ans le parc existant que traduit la mention « Poursuite de l’exploitation des réacteurs électronucléaires existants en prenant en compte les meilleures pratiques internationales, pour leur permettre de fonctionner après 50 ans ou 60 ans d’exploitation, dans le respect de notre cadre de sûreté exigeant ».

Les Français savent désormais que prolonger la durée de vie des centrales existantes est la manière la plus efficace de sécuriser l’approvisionnement en électricité, et de continuer à diminuer l’intensité carbone du mix français. Il convient donc d’envisager un fonctionnement jusqu’à 70 ans d’une majorité des réacteurs existants, bien entendu dans le respect de notre cadre de sûreté exigeant.

Le Cérémé désapprouve également le caractère trop prudent de l’orientation sur les EPR2 que traduit la mention « Confirmation du programme de construction de 6 EPR2, porté par EDF, dans la perspec tive d’une décision finale d’investissement par le Conseil d’administration d’EDF en vue de son lancement à l’horizon de l’année 2025 ; Poursuite de l’étude d’un éventuel second palier d’au moins 13GW, correspondant à la capacité de 8 EPR2 dans leur conception actuelle. ».

D’une part l’adjectif « Eventuel » ici ajouté au discours de Belfort où il ne figurait pas (5) n’est pas porteur. Il ne donne pas aux filières et branches professionnelles impliquées dans ce programme la visibilité sur le temps long afin qu’elles investissent sur le plan industriel mais aussi sur le plan des compétences, dans un moment où le président d’EDF affirme désormais être en mesure de mettre en service 1,5 EPR2 par an (6). D’autre part, il est éloigné de l’appel d’une vingtaine de pays incluant la France à tripler les capacités le nucléaire dans le monde d’ici à 2050 afin d’obtenir la neutralité carbone à cet horizon.

Le Cérémé demande donc au ministère de mettre son dossier en accord avec les nécessités ainsi reconnues, et de s’engager plus nettement dans les axes suivants : remotoriser, prévoir la prolongation à 70 ans de la majorité des réacteurs existants, lancer un programme massif de construction d’EPR 2 sur la base d’une mise en service de 1,5 réacteurs par an à partir de 2035 ou 2036.

Le Cérémé déplore, enfin, le manque de fermeté et le manque d’engagement du dossier concernant la fermeture du cycle du combustible, souhaitable à la fois au plan technique, économique et environnemental.

b) géothermie

Le dossier ne témoigne pas d’un intérêt élevé pour les PAC géothermiques, ce qui n’est pas cohérent avec les publications du ministère (7) : 10 TWH en 2030 sont trop éloignés du potentiel officiel de 100 TWH en 2050, qui représenterait près de 10% de la demande en énergie finale.

Le Cérémé recommande donc de renforcer les objectifs correspondants.

c) production de chaleur et biomasse

Les chiffrages figurant dans le dossier présenté au public sont imprécis : « les objectifs fixés dans le présent document pour la production de chaleur renouvelable, de biogaz ou de biocarburants, sont étroitement liés à la disponibilité suffisante de biomasse. Ces objectifs ne pourront pas tous être atteints en cas d’évolutions défavorables de cette disponibilité. »

Le potentiel volontariste de chaleur renouvelable affiché pour les échéances si proches de 2030 et 2035 en p. 55 pourrait manquer de réalisme. En effet, si l’on excepte les déchets, le potentiel de biomasse accessible à ces échéances n’a pas encore été consolidé, étant rappelé que nos forêts doivent être exploitées en privilégiant des utilisations en bois d’œuvre. Et il serait fâcheux pour notre empreinte carbone de recourir à des importations.

Le Cérémé approuve le projet de doubler les réseaux de chaleur d’ici à 2035, en s’interrogeant cependant sur la faisabilité de ce projet à si brève échéance, notamment pour alimenter des citadins et a fortiori s’il faut mettre ces réseaux en capacité de produire et délivrer du froid renouvelable.

Le Cérémé recommande donc que cet ensemble de sujets soit réévalué au meilleur niveau technique et environnemental.

VII- La portée politique de certains enjeux transverses est sous-estimée

a) Les coûts de raccordement et de renforcements des réseaux électriques :

Il ne suffit pas d’affirmer que « la révision du tarif réseau (TURPE 7) en cours permettra au réseau de mieux faire face aux besoins de financement, en apportant de la visibilité à la couverture des coûts et des nouveaux investissements, et en s’efforçant de maîtriser l’impact financier de cet effort massif de transformation des réseaux sur l’ensemble du système énergétique. ».

Il s’agit là en effet de sommes considérables que RTE et Enedis ont évaluées à 102 Mds € entre 2021 et 2035. Au bout du compte elles sont payées par les clients ménages et entreprises, sans oublier les raccordements d’éoliennes en mer qui sont en totalité pris en charge par RTE sans que l’on sache bien s’ils sont ou non intégrés in fine dans le Turpe.

Or le dossier ne dit rien sur la manière dont le Gouvernement envisage de « maîtriser l’impact pour le consommateur » de ces surcoûts.

b) La planification territoriale :

Le projet d’alignement des volets énergie des SRADDET, qui seraient révisés sur la base des objectifs régionaux que fixerait l’Etat par déclinaison de la PPE, comportant une mise en compatibilité avec celle-ci, pourrait se heurter à des difficultés juridiques et politiques intenses, issues de certains principes généraux du droit et de la loi NOTRe.

Étude communiquée au Ministère de l’Environnement et de l’Energie le 18 décembre 2023 par le

Cercle d’Étude Réalités Ecologiques et Mixte Énergétique

63 rue la Boétie 75008 Paris
Association loi 1901
enregistrée sous le n° W751256581
Identifiant SIRET 884 690 355

Références :

(1) : https://cereme.fr/wp-content/uploads/2022/07/C-12-Comparaison-des-couts-complets-de-production-de-lelectricite_.pdf
(2) : https://cereme.fr/wp-content/uploads/2022/07/C-12-bis-Chiffrage-des-couts-de-production-de-electricitesrenouvelables-perspectives_2.pdf
(3) : une mention directement inspirée par la filière des EnR [propos entendu du DG de France Renouvelables dans un « atelier PPE » piloté par la DGEC, juillet 2022 ]
(4) : Commission européenne, 18 nov. 2020, Document d’orientation sur les aménagements éoliens et la législation de l’Union européenne relative à la conservation de la nature, C(2020) 7730 final, spéc. p. 173.
(5) : Discours de Belfort : « … que 6 EPR2 soient construits et que nous lancions les études sur la construction de 8 EPR2 additionnels. »
(6) : https://www.latribune.fr/climat/energie-environnement/nucleaire-construire-jusqu-a-1-5-epr-par-an-l-objectif-tresambitieux-d-edf-984404.html
(7) : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/02.02.2023_DP_Geothermie.pdf

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